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LA NATIONALITE DANS LE DROIT COLONIAL

 

par Christian BRUSCHI

 

Procès, Cahiers d’analyse politique et juridique n° 18, 1987/88, p. 29 

 

 

Etudier la nationalité dans le droit colonial présente aujourd’hui un triple intérêt.

Un quart de siècle près qu’elle a pris fin, on entend évoquer la nécessité d’un bilan sans passion de la colonisation. Certains n’hésitent pas à affirmer que la France doit se tourner avec fierté vers son passé colonial.

Les débats actuels sur une reforme dit Code de la itationalité ont pour objet principal, avoué ou implicite les étrangers immigrés en France, venus de pays qu’elle avait anciennement colonisés. Dans notre droit actuel nationalité et citoyenneté se confondeqt, depuis quelques années l’idée d’une dissociation possible de ces deux notions est avancée[1]. Peut-on oublier que cette dissociation a bel et bien existé durant la période coloniale, mais en des ternies opposés à ceux utilisés actuellement.

Par son droit de la. nationalité en direction des colohies et des colonisés, la France a évalué leur dépendance à son égard et la distance qui les séparait d’elle. Elle en a fait aussi le critère différenciant la gestion des diverses populations placées sous sa domination.

Le droit de lé nationalité appliqué aux colonies ne s’est pas formé de façon atemporelle, il doit être inscrit dans un contexte idéologique caractérisé par un double contenu la France produite par la révolution de 1789 et fortement imprégnée de l’égalité en droit(s) entre le hommes, la France du «mythe national»[2] [*30] qui s’enracinerait dans une histoire séculaire gestatrice d’une civilisation supérieure. Mais on ne peut traiter le droit colonial de la nationalité comme étant coupé du droit commun de la nationalité. Ce dernier a subi une évolution qui n’a pu laisser insensible le premier. Le résultat diffère grandement selon que l’on met l’accent sur la participation à une société politique, c’est-à-dire la citoyenneté, ou selon que l’on recherche d’abord le critère permettant de déterminer les ressortissants sur lesquels un Etat exerce sa souveraineté. Au cours du XIXe siècle, cette seconde préoccupation triomphera en droit français. Mais l’influence ne joue pas que dans un sens, à son tour le droit colonial rejaillit sur le droit commun de la nationalité, apparaissant, avec le recul de l’histoire, comme une sorte de terrain d’expérimentation.

L’expression droit colonial est-elle pleinement justifiée, ne risque-t-elle pas d’être comprise comme recouvrant un droit qui aurait été un tout parfaitement cohérent?

II est vrai qu’il s’est construit dans des conditions évidentes d’empirisme et de morcellement, au gré des circonstances historiques et géographiques.

L’organisation administrative des colonies a été variable, et les sources du droit ont-elles aussi varié, s’appliquant à un ou plusieurs territoires. Au manque d’unité entre le droit commun et le droit colonial correspond un manque d’unité dans le droit colonial même. Le seul point commun caractérisant les diverses sources du droit colonial est la place prépondérante qu’y occupe le pouvoir réglementaire. Le sénatus-consulte du 3 mai 1854 dispose : «les colonies autres que la Martinique, la Guadeloupe, et la Réunion, seront régies par décret de l’empereur»[3]. Ce principe est resté en vigueur sous la IIIe République. Le pouvoir réglementaire s’entend aussi sur le plan local. Le gouverneur peut en disposer largement. Ce qui est en France métropolitaine de la compétence législative est de la compétence réglementaire dans les colonies. La raison invoquée pour trouver un bien-fondé à ce transfert de compétence, est l’absence d’une représentation politique des colonisés au sein du pouvoir législatif, et en conséquence la nécessité pour l’exécutif de se substituer à celui-ci pour assurer l’ordre public et organiser les populations concernées.

S’il s’ est construit de façon empirique et morcelé, le droit colonial, à son apogée au milieu de la IIIe République, possède entre ces diverses composantes, des traits communs indéniables en matière de nationalité. On peut évoquer, sans crainte d’être démenti, l’existence d’un système juridique colonial de la nationalité.

L’évolution du droit de la nationalité dans les colonies françaises ne se saisit que si on l’examine dans son intégralité. Au sein du premier Empire colonial français, celui acquis sous l’Ancien Régime, les indigènes n’apparaissent pas ; n’occupe [*31] le devant de la scène que la main d’oeuvre importée d’Afrique dans le cadre de l’esclavage. Quelles traces a laissé cette phase initiale ?

La phase finale, la décolonisation, elle aussi n’est pas sans intérêt pour le sujet. Au regard de la nationalité française, les dispositions arrêtées au moment de la décolonisation sont un bilan révélateur de ce qu’a été 1a colonisation, tout en traçant le cadre des relations futures entre la France et ses anciens colonisés.

Dans cette évolution où situer la césure fondamentale ? Par rapport à l’interrogation première sur le droit colonial pris comme un ensemble cohérent formant système, le droit colonial se présente pour tel à la fin du XIXe siècle. Deux raisons majeures l’expliquent:

La mise en oeuvre des grands principes républicains concernant la nationalité, la grande loi de 1889 sur la nationalité, même si elle est adoptée par une majorité républicaine modérée, intervient au moment où la IIIe République trouve la mesure qui lui est appropriée.

La seconde raison est l’apogée coloniale elle-même, le passage de possessions éparses à un vaste Empire colonial[4] se traduit par titi effort dé rationalisation et de systématisation qui fait suite aux experiences des décennies précédentes.

 

 

LES TÂTONNEMENTS DANS LA MISE EN PLACE DU DROIT DE LA NATIONALITÉ DANS LES COLONIES

 

Ces tâtonnements résultent de deux chassés-croiaés. Le premier est d’ordre chronologique, il se rapporte aux deux Empires coloniaux que la France a connus successivement et qui correspondent à deux types de colonisation ; le second se rapporte aux évolutions respectives, mais aussi compléliientaires, du droit commun de la nationalité et des statuts des diverses populations habitant dans le colonies.

Le Premier Empire colonial commence au Mie siècle, il repose sur une dissociation entre le territoire conquis, vidé de sa population d’origine, et la population importée qui va le mettre en valeur par la traite de l’esclavage. Cette première colonisation a joué un rôle-clé dans le développement êconomique de la France, le commerce colonial, l’importation des esclaves noirs aux Antilles et l’importation des Antilles du sucre et du rhum produits par ces esclaves (le commerce triangulaire) a été multiplié par treize au cours du XVIIIe siècle[5]. Il contribue de façon décisive à l’accumulation du capital. Le regard porté par les contemporains sur le traité de Paris de 1763 est significatif, il est nullement perçu comme une catastrophe, [*32] malgré la perte du Canada et des espoirs français de colonisation de l’Inde ; évoquant le Canada, Voltaire ne dit-il pas qu’il ne faut pas s’en faire pour quelques arpents de neige. La Prance se satisfait d’un traité qui lui conserve les colonies, Antilles et Mascareignes mises en valeur par le travail des esclaves.

La distinction juridique majeure est celle qui sépare les esclaves et les libres, c’est dans le cadre de cette distinction que s’inscrivent les débats et l’évolution qu’ils anticipent. Cette évolution est marquée par des avancées et des reculs ; et cette distinction esclaves libres ne prendra fin qu’en 1848. Est-elle un élément précurseur du statut des colonisés du second Empire colonial, a-t-elle laissé en son sein des récurrences ? Le second Empire colonial est porteur d’un nouveau type de colonisation. II commence avec la conquête de l’Algérie qui susdite un débat quant à sa mise en valeur.

Elle répond à des exigences et à des normes qui diffèrent de celles rencontrées lors de la première colonisation.[6] Le statut de cette nouvelle génération de colonisés ne peut s’imaginer que dans un cadre juridiqu nouveau. Mais doit-on tirer ce cadre des grands principes définis lors de la révolution de 1789 ?

Le droit commun de la nationalité se modifie sensiblement au cours du XIXe sieèle apre l’abandon de la référence à la citoyenneté : Il évolue notamment sous la pression d’une population étrangère qui augmente considérablement entre Je milieu et la fin du siècle. Il n’ignore pas les hésitations de la France quant aux statuts à attribuer aux population des colonies. II s’agit d’une période expérimentale, annonciatrice seulement pour une part de ce qui se fera ensuite, car l’esprit de système propre à un vaste Empire colonial n’existe pas encore.

 

 

De l’esclavage à la citoyenneté

 

C’est au travers de l’esclavage que le statut de la population colonisée a été initialement fixé, tout en faisant l’objet d’un débat. Les termes de ce débat n’ont pu qu’être changés par la révolution de 1789 qui a fait référence de façon centrale à l’égalité juridique sur laquelle ne se fondait pas l’Ancien Régime[7]. Mais l’évolution suivie, remplie de péripéties qui sont beaucoup plus que des péripéties, montre à l’évidence que les ruptures imaginées ne sont pas celles qui se sont produites. [*33]

 

 

1.       De L’Ancien Régime à la Révolution

 

La réédition récente du Code Noir[8] a jeté une lumière particulièrement crue sur le droit français de l’esclavage. Dans l’univers juridique de l’Ancien Régime où les individus appartiennent à des catégories différenciées, il y a cependant une distinction qui traverse ces catégories la distinction entre les Français, sujets du roi, appelés régnicoles[9], et les étrangers appelés aubains ou de façon encore plus significatives épaves[10].

Comment le pouvoir royal considère-t-il ces esclaves noirs sont-ils ses sujets ou uniquement la propriété de leurs maîtres ? Affranchis le roi les compte-t-il parmi ses régnicoles ou deviennent-ils des étrangers?

Le Code Noir, à côté du pouvoir des maîtres, laisse place à un pouvoir colonial d’Etat. L’article 18 est révélateur de l’existence de ces deux pouvoirs

la production par la main d’oeuvre servile est bien du ressort des maîtres, la commercialisation de la production par cette main d’oeuvre, même avec l’autorisation des maîtres, ne l’est pas

 

«Défendons aux esclaves de vendre des cannes de sucre pour quelque cause et occasion que ce soit, même avec la permission de leurs maîtres, à peine de fouet contre les esclaves, et de pareille amende contre l’acheteur»[11].

 

De même l’article 26 qui permet aux esclaves de donner leur avis au procureur général sur leurs maîtres et le pouvoir colonial d’Etat[12], L’affranchissement, dans [*34] une certaine mesure, est plus annonciateur du sort qui attend dans l’avenir le colonisé que l’esclavage lui-même.

Le droit d’Ancien Régime distingue le sol français proprement dit (le sol métropolitain) du sol français colonial. Louis XIV à sa façon traduit bien cette différence dans le préambule du Code Noir:

 

«pour régler ce qui concerne l’état et la qualité des esclaves dans nos dites îles, et désirant y pourvoir et leur faire connaître qu’encore qu’ils habitent des climats infiniment éloignés de notre séjour ordinaire»[13].

 

L’esclavage n’existe plus sur le sol français proprement dit qui devrait ainsi devenir un sol libérateur pour les esclaves qui viendraient à s’y trouver. Des limites, tout au cours du XVIIIe siècle, sont apportées à ce principe de l’affranchissement découlant de la présence sur le sol français métropolitain. Non seulement lefoyaume comprend deux sols différents, mais le statut lié au sol colonial devient une sorte de statut personnel transposable sur le sol métropolitain[14].

La condition de l’affranchi est fixée dans le Code Noir, apparemment l’esclave affranchi ne devient pas un étranger, il est régnicole, sujet, sans avoir d’autres formalités à remplir que l’affranchissement. L’article 57 du Code Noir précise

 

«Déclarons leurs affranchissements faits dans nos îles leur tenir lieu de naissance dans nos îles, et les esclaves affranchis n’avoir besoin de nos lettres de naturalité pour jouir des avantages de nos sujets naturels dans notre royaume, terres et pays de notre obéissance, encore qu’ils soient nés dans les pays étrangers»[15]

 

Mais les affranchis conservent des incapacités relatives au droit des successions ou aux libéralités qui ne s’atténueront que progressivement[16]. Ces incapacités ne sont pas sans rappeler celles des aubains[17] de même toute une série de discriminations officielles dans les îles ont pour effet d’empêcher noirs libres et sang-mêlés [*35] d’occuper les fonctions publiques interdites aussi sous l’Ancien Régime[18] Les affranchis et descendants d’affranchis ne sont donc pas sans rappeler la définition que donnera bien plus tard (1910) la Cour d’appel de l’Indochine à propos de la situation des indigènes, sujets français

 

«une situation intermédiaire entre celle des citoyens français et celle des étrangers : par leur nationalité, ils se rapprochent des citoyens, par leur statut personnel, ils se rapprochent des étrangers»[19]

 

Alors que le Code Noir d’origine ne comporte que la différenciation esclaves/libres, des dispositions ultérieures ajoutent la différenciation noirs/blancs qui fait directement référence à une discrimination raciale. Ainsi la version du Code Noir adaptée en 1724 pour la Louisiane comporte plusieurs articles où cette différenciation noirs/blancs apparaît tou à fait clairement. L’article 24 est rédigé comme suit:

 

«... ne pourront être aussi témoins, tant en matières civiles que criminelles, à moins qu’ils ne soient témoins nécessaires, et seulement à défaut de blancs...»[20].

 

L’administration de Saint-Domingue, le 9 février 1779, prend ce règlement:

 

«Enjoignons à tous gens de couleur (noirs et sang-mêlés), ingénus ou affranchis de l’un ou l’autre sexe, de porter le plus grand respect... à tous les blancs en général, à peine d’être poursuivis extraordinairement, si le cas y échet, et punis... même par la perte de la liberté, si le manquement le mérite»[21]

 

Les discriminations envers les gens de couleur libres se renforcent et se multiplient au fur et à mesure que leur nombre augmente, en 1778 à Saint-Domingue ils commencent à former une petite minorité, sur une population de 288 000 habitants, ils sont 7 055 pour 249 000 esclaves[22].

Ces discriminations sont-elles exclusivement une récurrence de l’esclavage, tous les gens de couleur descendant d’esclaves, ou annoncent-elles un système colonial comprenant des populations à statuts différenciés (statut supérieur et statut inférieur) ? [*36]

Le débat provoqué par la Révolution de 1789 sur le sort des esclaves et des hommes de couleur dans les colonies apporte un début de réponse à cette question.

 

 

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La réflexion activée par la Révolution ne porte pas, de façon globale, sur l’esclavage ou la liberté mais sur la citoyenneté. Siéyès dans Qu’est-ce que le Tiers-Etat ? définit les citoyens comme ayant les mêmes droits politiques ewes mêmes droits civils[23]. L’égalité devant la loi est essentielle dans cette définition :

 

«Je me figure la loi au centre d’un globe immense ; tous les citoyens, sans exception, sont à la même distance sur la circonférence et n’y occupent que des places égales»[24].

 

Ce globe immense qu’évoque Siéyès est-ce le globe terrestre et tous les hommes sont-ils appelés à cette liberté optimale qu’est la citoyenneté, ou est-ce seulement le territoire européen de la France ? La Déclaration des droits, bien loin de lever les ambigu¥tés, leur donne un caractère de principe en employant dans un sens équivalent les termes homme et citoyen[25].

Le débat générai du tout début de la Révolution porte donc sur les groupes qu’il convient ou non de faire accéder à la citoyenneté. Certains groupes marginalisés sous l’Ancien Régime vont se voir reconnaître la citoyenneté, les protestants rapidement, même s’ils n’habitent plus le royaume après la révocation de l’édit de Nantes[26], les juifs plus lentement, leur cas étant d’abord réservé[27], et résolu seulement à l’extrême-fin de la Constituante[28]. Les étrangers feront aussi l’objet du débat[29]. Ce contexte d’ensemble, lié à la pression des planteurs des îles refusant l’émancipation des esclaves et formant un «lobby» influent, explique que la ci[*37]toyenneté a été reconnue aux hommes de couleur, en 1791, alors que l’esclavage n’a été aboli qu’en 1794 par la Convention. Pour nombre de révolutionnaires l’accession à la citoyenneté (droits politiques et droits civils comme le rappelle Robespierre)[30] est plus important que l’abolition de l’esclavage parce qu’elle porte sur l’égalité d’hommes déjà libres, et doit-on admettre que des hommes libres vivant sous autorité française soient exclus de la citoyenneté ? Bonnemain n’hésite pas à s’appuyer sur le Code Noir qui fait des affranchis des naturels du royaume, sans aucune formalité, pour exiger la citoyenneté des hommes de couleur, il écrit

 

«Le premier acte politique est d’assurer l’état politique des gens de couleur. Cette cause est absolument indépendante de la seconde, on ne peut les confondre car quand bien même, et ce qui ne peut se supposer, on éterniserait l’esclavage des nègres, on ne doit pas moins restituer aux hommes de couleur leur droit ; il rie s’agit en quelque sorte que de ratifier la loi de 1685 (Code Noir), qui leur accorde la qualité de citoyen[31] ; et ce qu’a fait un roi sous un régime arbitraire, les représentants d’un grand peuple doivent le faire sous ungouvernement libre»[32].

 

On peut être surpris de cette inversion de priorités[33], mais elle a l’avantage de mettre l’accent sur une question qui se posera massivement bien après : quelstatut pour les colonisés libres?

Le décret du 4 février 1794 (16 pluviôse an II) abolit l’esclavage et fait de tous les esclaves libérés des citoyens

 

«La Convention nationale déclare que l’esclavage des nègres dans toutes les colonies est aboli en conséquence elle décrète que tous les hommes, sans dis-tinction de culeur, domiciliés datts les colonies sont citoyens français et jouiront de tous les droits assurés par la constitution...».

 

Danton qui avait déjà accueilli la veille les trois députés de Saint-Domingue, un blanc, un noir et un mulâtre, intervient dans le débat précédant l’adoption du décret et souligne que la France atteint enfin la liberté universelle, en ce sens qu’elle applique désormais de façon universelle des principes qu’elle avait proclamés [*38] comme tels mais dont elle avait fait une application égo¥ste

 

«Représentants du peuple français, jusqu’ici nous n’avions décrété la liberté qu’en égo¥stes et pour nous seuls. Mais aujourd’hui nous proclamons à la face de l’univers, et les générations futures trouveront leur gloire dans ce décret, nous proclamons la liberté universelle»[34].

 

Historiquement, l’émancipation des esclaves et leur accession à la citoyenneté sont un échec : révolte de Saint-Domingue qui révèle une prise de conscience des noirs face aux planteurs, Martinique occupée par les Anglais, confusion en Guadeloupe où les planteurs continuent de traiter en esclaves les noirsapoléon Bonaparte va rétablir l’esclavage, mais il va aussi rejeter dans l’ombre le citoyenneté.

L’esclavage, caractéristique de la colonisation du premier type, fausse, en perdurant, la pensée juridique sur le statut des colonisés.

 

 

2.            Une pensée juridique faussée

 

L’ère napoléonienne n’est pas une péripétie supplémentaire : unimple épisode qui aurait marqué une régression. Elle donne une version pervertie du changement révolutionnaire en inversant les rapports qui constituent sa logique. Le cadre fixé par Napoléon subsistera, dans sa plus large part, après 1815. Au début de l’ère napoléonienne a lieu le grand tournant dans la définition des Français.

La constitution de l’an VIII, bien qu’introduisant le pouvoir monocratique, conserve l’acquis révolutionnaire de la citoyenneté et continue à s’en servir comme ligne de démarcation entre Français et étrangers. En effet toutes les constitutions révolutionnaires font du temps de résidence en France une condition de la citoyenneté pour les étrangers qui deviennent de la sorte français[35] ,la constitution de l’an VIII maintient cette accession à la citoyenneté après dix ans de résidence en France sans autre condition supplémentaire[36], Cette accession se fait par simple inscription sur, le registre civique, sans qu’il y ait autorisation expresse du gouvernement. On devient donc Français en s’inscrivant dans l’espace public français, en appartenant à un corps politique. L’élaboration du Code Napoléon signifie un changement [*39] radical, on va distingue la citoyenneté de la qualité de français, cette dernière ne se réfère plus à un espace publie elle s’inscrit dans des rapports de droit privé. C’est la filiation qui principalement donne la qualité de français, reçue quasiment en héritage. C’est cette qualité de Français, et non la citoyenneté qui permet de jouir des droits civils :

 

«L’exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s’acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle. Tout Français jouira des droits civils»[37].

 

La naissance en France elle-même, et ce contre l’avis de Napoléon[38], ne confère la qualité de Français que sous certaines conditions fort restrictives[39]. Ainsi et bien qu’il ait été plus souvent son adversaire que son complice, Benjamin Constant voit Napoléon réaliser une de ses idées-clés exprimées ouvertement plusieurs années après la promulgation du Code Napoléon, mais qu’il avait déjà notée au moment de cette promulgation, les jouissances privées caractérisent la liberté des modernes à l’inverse de la citoyenneté (participation aux affaires publiques) qui caractérise la liberté des anciens[40]. Reste à résoudre la contradiction entre la constitution de l’an VIII et le Code Napoléon, un étranger peut-il devenir Français en accédant à la citoyenneté par le temps de résidence ? Après quelques années d’incertitude, un décret confond admission aux droits de citoyen et naturalisation par décision du chef de l’Etat[41]. La citoyenneté subsiste dans ces textes, mais elle n’est plus qu’un mot.

Ce changement fondamental introduit par le Code Napoléon est à rapprocher du rétablissement de l’esclavage dans les colonies et du sort réservé aux hommes de couleur.

L’échec de la politique coloniale de Napoléon est patent indépendance arrachée par les armes à Ha¥ti et déroute de l’armée commandée par Leclerc, vente en 1803 de la Louisiane aux Etats-Unis. Le rétablissement de l’esclavage par la loi du 30 floréal an X (1802), la remise en vigueur du Code Noir sans modification[42], [*40] Sont aux colonies une application spécifique de la nouvelle répartition entre l’espace public et les rapports de droit privé. La main d’oeuvre sera mieux gérée par les maitres dans le cadre de l’esclavage qu’elle ne l’aurait été par un pouvoir colonial d’Etat qui, dans les échecs rencontrés, a montré ses limites. Mais ce retour au pouvoir des maitres s’accompagne de discriminations contre les noirs d’autant plus sensibles que 1789 a eu lieu. Les noirs et les métis sont interdits de séjour dans le territoire métropolitain, alors même que l’Ancien Régime avait eu, sur ce point, une attitude plus nuancée[43]. Une fois encore l’emporte la distinction esclaves/libres donnant au débat sur le statut des colonisés un tour répétitif qui loin d’anticiper sur l’avenir ramène au passé.

 

 

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La colonisation du premier type et la distinction esclaves/libres qui y est attachée ne disparaissent pas avec la chute de Napoléon, le Congrès de Vienne leur attribue même une nouvelle importance en restituant à la France certaines de ses colonies. Dans les îles où l’on cultive la canne à sucre, l’esclavage persiste, le Code Noir continue d’être appliqué, en 1818 une instruction ministrjelle, pour bien marquer la différence entre le sol colonial et le sol métropolitain et bien montrer que ce dernier est interdit aux gens de couleur, fait défense aux blancs de se faire accompagner de leurs serviteurs noirs ou métis[44]. Dans les colonies sans esclaves, les habitants d’origine sont à la limite de l’extranéité. Ainsi dans les étâblissements de l’Inde, dont la France reprend la possession effective seulement en 1817, l’Ordonnance royale du 6 janvier 1819 précise que seront maintenus ex-pressément les statuts respectifs des hindous et musulmans : ce qui signifie, dans le contexte juridique de l’époque où l’application du Code Civil définit qui est Français et qui ne l’est pas, que les populations concernées sont considérées étrangères[45]. Au tout début de la conquête de l’Algérie, des juristes ont soutenu que 14 indigènes algériens étaient des étrangers au regard du droit français, et seule une interpretation de l’Ordonnance du 22 juillet 1834, bien postérieure à sa promulgation, par la Cour d’Alger, les reconnaîtra ressortissants Français[46].

La chute de Napoléon avait-elle apporté en France même des modifications concernant la qualité de Français et la citoyenneté ? La politique de conquêtes de la Révolution et de l’Etat napoléonien a eu pour effet de placer sous domina[*41]tion française un certain nombre de territoires européens et leurs populations. Quelle attitude adopter, après la restitution de ces conquêtes, à l’égard des populations de ces territoires ? C’est une loi de la première Restauration qui définit cette attitude avant même que le Congrès de Vienne n’ait redessiné la carte politique de l’Europe. La loi du 14 octobre 1814 comporte des dispositions de circonstance, mais éclairantes pourtant sur certaines ouvertures possibles.

En ce qui concerne les populations conquises, une distinction est faite entre celles qui étaient intégrées à la grande France et celles qui avaient gardé une apparence d’autonomie, tout en étant placées sous domination française, par exemple les Etats de la confédération du Rhin ; ne sont concernées par la loi que les premières. Cette distinction entre Français et dominés par les Français se trouve déjà dans des textes napoléoniens, notamment le décret du 26 août 1811[47]. Les populations intégrées à la grande France peuvent bénéficier de la dissociation territoire conquis/population conquise : peuvent accéder à la qualité de Français, par déclaration, les individus nés dans des territoires français à leur naissance, à la condition d’avoir résidé dix ans en France. Cette loi dissocie aussi de façon tout à fait exceptionnelle jouissance des droits civils français et qualité de Français, puisqu’elle précisé dans son article 3 que des étrangers originaires des territoires en question pourront jouir des droits civils en France tout en restant étrangers[48]. Enfin si le terme citoyenneté; tout en se faisant plus rare, ne disparaît pas dans la langue constitutionnelle ou législative de la Restauration[49], il se confond maintenant avec la «naturalité» française[50], sous la Restauration la participation au suffrage n’est plus un droit mais une fonction. Cette loi de 1814 est intéressante dans la poursuite de la réflexion sur le statut dés colonisés, car elle se rapporte à des populations conquises mais européennes après qu’a cessé la domination française. On la cite généralement, et de façon judicieuse, comme anticipant d’un siècle et demi les accords internationaux et les 1oi intervenus au moment de la décolonisation[51]. Elle retient cependant l’attention sur un autre point, l’attitude de la France durant la colonisation elle-même. En effet les dispositions de cette loi, loin de servir de référence ou de cadre juridique pour déterminer l’attitude de la France à l’égard des [*42] populations conquises lors de la colonisation, seront point par point, contredites par le droit colonial : pas de dissociation territoire conquis/population conquise. le territoire emporte le statut, les droits civils français sont inséparables de la qualité de français dans ce qu’elle a de plus complet, être Français ne signifie pas du tout être citoyen.

La Monarchie de juillet, résultat d’une insurrection indubitablement populaire s’est préoccupée à ses débuts du sort des habitants des colonies, mais c’est surtout la seconde République qui constitue un tournant. Certes elle a émancipé les esclaves mais elle a aussi mis un terme à la colonisation du premier type.

Le débat du début dc la grande Révolution rebondit dans les premières années de la Monarchie de juillet et empêche un autre débat sur le statut des colonisés dans le cadre du second Empire colonial qui commence à se former avec la conquête de l’Algérie. S’agit-il de libérer les esclaves ou de considérer pleinement français les hommes de couleur libres dans les colonies. Une fois encore, comme une quarantaine d’années auparavant, le second terme de l’altetnative l’emporte. En effet la loi du 24 avril 1833 affirme

 

«article 1er - Toute personne née libre ou ayant acquis légalement la liberté jouit dans les colonies françaises 1° des droits civils, 2° des droits polPtiques sous les conditions prescrites par les lois.

article 2 - Sont abrogées toutes dispositions deslois, édits, déclaratibns du roi, Ordonnances royales, et notamment toutes restrictions ou exclusions, qui avaient été prononcées quant à l’exercice des droits civils et des droits politiques à l’égard des hommes de couleur libres et affranchis»[52]

 

Les ambigu¥tés de cette loi compromirent sérieusement son application. Que faut-il entendre par la phrase «sous les conditions prescrites par la loi», dans les établissements français de l’Inde on considéra qu’il y avait donc maintien de l’Ordonnance de 1819 dont nous avons vu qu’elle situait hindous et musulmans à la limite de l’extranéité ; de même la localisation de l’application de la loi semble la limiter aux colonies et ne pas concerner la France métropolitaine, comme si la loi maintenait implicitement les interdictions de séjour touchant les hommes de couleur. Aux Antilles mêmes les planteurs s’opposèrent à son application. II n’en reste pas moins que cette loi de 1833, parce qu’elle ignore parmi les libres la distinction entre les Français minuto jure (ce que seront plus tard les sujets dans la colonisation) et les Français optimo jure, demeurera un texte de référence, troublant la doctrine coloniale dominante. C’est sur la base de cette loi de 1833 que les habitants des quatre communes dites de plein exercice du Sénégal et de Sainte-Marie [*43] de Madagascar[53] revendiqueront la qualité de Français optimo jure durant la période d’apogée de la colonisation[54]. La loi de 1833 conserve, pour unique ditinction, la distinction esclaves/libres.

Si l’abolition de l’esclavage est envisagée durant la Monarchie de juillet, elle est renvoyée de session parlementaire en session parlementaire, en 1845 une loi autorise seulement l’esclave à monnayer sa liberté[55]. révolution de 1848, notamment grâce à l’obstination de Victor Schoelcher, abolira l’esclavage par le décret du 28 avril 1848[56]. Dans les colonies où il y a des esclaves, joue en 1848 l’applica- de la distinction esclaves/libres avec la plénitude des droits ; puisqu’il n’y a plus d’esclaves, les hommes de couleur ont tous les droits civils et politiques, cela concerne la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion. Dans un premier temps cette plénitude des droits va conserver un caractère très largement théorique, ainsi les hommes de couleur ne participent pas aux plébiscites organisés par Louis Napoléon Bonaparte. II convient cependant de remarquer que les habitants des colonies où il n’y avait pas d’esclavage et où les indigènes se voyaient appliquer non le droit civil français, mais un statut personnel, sont exclues de la plénitude des droits : ainsi les indiens de la Guyane française, les indigènes algériens, et après hésitation, ceux des établissements français de l’Inde[57]. Comment convient-il alors de les considérer ?

Désormais la page de la première colonisation est tournée, la distinction esclaves/libres n’a plus de pertinence. S’il est vrai que certaines similitudes existent entre la condition des esclaves et celle des colonisés ss, s’il est vrai que des discriminations touchant les hommes de couleur libres anticipaient sur des discriminations afférentes aux colonisés[58], il n’en reste pas moins certain que 1848 marque le terme définitif de la première colonisation ; le débat sur le statut des indigènes de la seconde colonisation, avec les caractères qui lui sont propres, va pouvoir véritablement commencer. [*44]

 

 

Le temps des hésitations

 

On peut donner précisément les dates marquant le début et la fin de ce temps des hésitations. C’et la révolution de 1848 qui, en mettant un terme au cadre juridique esclaves/libres caractéristique du premier Empire colonial, ouvn une période d’incertitudes. C’est le règlement d’administration publique de 1897 portant application de la loi sur la nationalité de 1889 aux colonies, qui la clôture montrant que désormais des choix durables ont été arrêtés.

Les hésitations sur la nationalité ne concernent pas seulement les colonies elles concernent aussi la France métropolitaine dans laquelle les étranrs et le nationaux vont constituer des catégories de mieux en mieux délimitées.

Jusqu’à ce qu’il soit mis fin à ces hésitations par une clarification qui intervient, tant pour la France métropolitaine que pour les colonies, à la fin du siècle on assiste à une sorte de ballet juridique dans lequel les dispositions pour la France métropolitaine et celles pour les colonies jouent successivement.

 

 

1.            Un surprenant ballet juridique

 

Des catégories initialement mal définies s’opposent ou s’entrechoquent : Français citoyens ou non citoyens, étrangers. Ces catégories se précisent progressivement, mais de façon encore insuffisante, laissant le droit colonial embryonnaire dans l’incertitude.

La seconde République est une période-charnière, en l’espace de quelques années un nouveau contenu juridique affecte les notions de citoyen, national, étranger.

La constitution du 4 novembre 1848 est encore marquée par le grand mouvement d’émancipation qui a soulevé presque toute l’Europe. Elle se veut respectueuse des nationalités étrangères[59]. Elle ne connaît de français que les citoyens, certes elle ne comporte pas de dispositions expresses relatives à l’accession des étrangers à la citoyenneté (à l’inverse des constitutions de la grande Révolution) mais un décret du Gouvernement Provisoire avait facilité la naturalisation des étrangers, sans émettre des réserves sur l’exercice des droits politiques des nouveaux naturalisés[60].

La seconde République ne tarde pas à devenir nettement conservatrice, elle ira jusqu’à restreindre le suffrage universel[61]. En 1849, elle réagit vigoureusement à l’afflux d réfugiés venus des pays d’Europe où la révolution avait échoué. Elle [*45] trace une ligne de démarcation rigoureuse entre Français et étrangers, et au sein des Français elle opère une distinction entre les citoyens et les naturalisés récents qui ne sont pas pleinement citoyens. En effet la même loi aggrave les conditions de naturalisation et perfectionne l’expulsion des étrangers du territoire. Les nouveaux naturalisés ne jouiront pas du droit d’éligibilité à l’Assemblée Nationale, n’étant pas ainsi pleinement cityoyens mais seulement nationaux[62]. L’expulsion du territoire est susceptible d’atteindre tous les étrangers, y compris les étrangers admis à domicile[63] qui pourtant jouissent de l’égalité des droits avec les Français[64].

L’expulsion devient désormais la pierre angulaire du statut des étrangers, différenciant de façon drastique ceux qui ont un lien immuable avec le territoire[65] et les autres. En 1851 une loi vient atténuer la place de la filiation (droit du sang) en introduisant le double droit du sol, mais seulement d’une manière conditionnelle. Est Français tout individu né en France d’un parent étranger qui lui-même y est né, à moins qu’il ne réclame la qualité d’étranger[66]. La loi reste silencieuse sur ce que recouvre le terme France, est-ce seulement le territoire métropolitain, ou inclut-il aussi les colonies? L’incertitude commence.

Cette incertitude se révèle à la fois pour les anciennes colonies et pour la nouvelle colonie, l’Algérie d-nt la France vient de terminer la conquête.

Ainsi les établissements français de l’Inde mi, comme nous l’avons vu, la question se pose en des termes différents de ceux des Antilles et de la Réunion, du fait de l’absence de l’esclavage est-ce que la France et les indigènes (hindous et musulmans) sont Français et jouissent des droits politiques. ou est-ce simplement [*46] un territoire soumis à domination française, sans être la France proprement dite ? Un décret du 5 avril 1848, adopté dans l’enthousiasme de la révolution, avait accordé aux indigènes les droits politiques, sans qu’ils aient à abandonner leur statut personnel. Ce décret pouvait constituer un précédent, applicable à d’autres colonies. Son application fut tout à fait limitée par des pratiques administratives qui lui ôtèrent tout contenu effectif[67]. Le décret et son application contraire à son texte même révèlent les incertitudes concernant le rapport de certaines colonies et de leurs indigènes à la France. L’Algérie constitue au milieu du XlXe siècle une colonie pleine de promesses. Louis-Napoléon Bonaparte dans son discours de Bordeaux, avant de se faire proclamer empereur, ne dit-il pas

 

«Nous avons en face de Marseille, un vaste royaume à assimiler à la France»[68]

 

L’Algérie est la terre d’expérimentation qui inaugure la seconde colonisation destinée à doter la France d’un grand Empire colonial. Son exploitation repose sur l’accaparement des terres et sur une immigration française, et plus largemçht européenne. Comment considérer sa population d’origine, est-elle constituée d’étrangers ou de Français, et dans ce dernier cas de Français de quelle sorte ? Dans les trente premières années qui suivent la conquête, son statut est mal fixé, il appelle cependant quelques remarques importantes pour comprendre ce qui allait seproduire plus tard. L’ordonnance du 22 juillet 1834 transforme bien l’Algérie en une possession française, mais n’évoque pas la condition de sa population d’origine à laquelle continuent à être appliqués, selon l’appartenance religieuse, les statuts coranique ou mosa¥que comme s’y était engagée la France le 5 juillet 1830[69]. «Les indigènes sont sous domination française sans qu’on puisse affirmèr leur qualité de Français. Mais dès 1841 et 1842 ils sont tous soumis aux juridictions pénales françaises[70]. Dès le début de la colonisatione voient appliquer des mesures assimilatrices qui permettent de comprendre l’évolution qui aboutira au décret Crémieux en 1870, notamment en 1841 et 1842 toutes leurs juridictions sont supprimées et on charge les tribunaux français d’appliquer le droit mosa¥que : la loi du 16 juin 1851, soumettant au droit français la transmission des biens immobiliers, ne s’applique pas aux musulmans, mais elle s’applique aux juifs. Certains d’entre eux ont pu, dès cette première phase de la colonisation être considérés pleinement Français par les tribunaux dans la mesure où ils renonçaient à leur statut mosa¥que. II y a donc une différenciation croissante entre les juifs et les musulmans, [*47] les premiers étant tirés vers l’assimilation entendue comme soumission au droit français, les seconds restant à la limite de l’extranéité. Le regard porté par Napoléon III sur l’Algérie est incontestablement nouveau, loin de s’intéresser à la seule minorité française, il se sent interpellé par toutes les populations de l’Algérie. II écrit au gouverneur de l’Algérie :

 

«L’Algérie n’est pas une colonie proprement dite, mais un royaume arabe les indigènes ont comme les colons un droit égal à nia protection... Je suis aussi bien l’empereur des arabes que l’empereur des Français»[71].

 

Dès 1862 la Cour d’Alger a considéré les indigènes comme des ressortissants français, sans préciser la portée d’une telle qualification[72], Lors de sa visite en Algérie en mai 1865, Napoléon III s’engage à accorder aux indigènes la qualité de Français et l’admission aux emplois publics. Cet engagement est respecté dans les délais les plus brefs, le sénatus-consulte du 14 juillet 1865[73] dispose en effet:

 

«L’indigène musulman et l’indigène israélite sont Français, mais ils continuent à. être régis pour le musulman par la loi musulmane, pour l’israélite par son statut personnel. Ils sont admis à servir dans les années de terre et de mer et peuvent occuper fonctions et emplois civils en Algérie (et non en France métropolitaine). Sur leur demande, ils peuvent être admis à jouir des droits de citoyen français par un décret impérial rendu en Conseil d’Etat, ils sont alors soumis à la loi française et non plus à leur statut personnel. Par décret impérial rendu en Conseil d’Etat, les étrangers ayant trois années de résidence en Algérie peuvent aussi devenir citoyens Français»[74].

 

Ce sénatus-consulte dont on a dit qu’il «représente la mesure peut-être la plus libérale de notre législation coloniale»[75] donne en partie le cadre de ce que sera le droit colonial français en ce domaine, il est à replacer aussi dans l’évolution de la naturalisation, il distingue nettement la qualité de Français (il n’est pas encore dit sujet français, ce qui est significatif de certaines hésitations) de la citoyenneté française, cette distinction suggérée dans la loi de 1849 avec une portée limitée prend ici une toute autre ampleur. Cette citoyenneté n’est obtenue qu’après déci[*48]sion du pouvoir exécutif au plus haut niveau, elle est incompatible avec le maintien d’un statut personnel. Les européens non français bénéficient d’une naturalisation plus facile que les étrangers résidant en France métropolitaine qui doivent attendre dix ans après l’autorisation d’admission à domicile[76] qui n’est même pas prévue en Algérie. «Franciser» le plus rapidement possible tous les émigrants européens (deux fois plus nombreux que les Français) est bien l’objectif fixé, en vue de donner plus d’homogénéité à la présence coloniale. Quelles sont les conséquences immédiates de ce sénatus-consulte ? Sans aucun doute la loi de 1867 sur la naturalisation de droit commun enregistre ce sénatus-consulte, voire s’en inspire. Réapparaît le terme citoyen fort à propos, alors qu’il avait disparu de la loi de 1849, l’étranger naturalisé ne devient pas seulement un national français, il a tous les droits du citoyen : l’absence de droit d’éligibilité est expressément abrogée : point question de rapprocher l’étranger naturalisé de l’indigène français. Les dispositions de droit commun et les dispositions pour l’Algérie se font en quelque sorte écho. La loi de 1867, reprenant le sénatus-consulte, rend la naturalisation plus facile : trois a1inéesde résidence après l’admission à domicile maintenue en métropole alors qu’elle n’existe pas en Algérie[77]. Autre conséquence du sénatus-consulte, le débat lancé par Prévost-Paradol sur la «naturalisation» dans le statut ; dans la France nouvelle il propose d’accorder la citoyenneté aux musulmans tout en leur conservant le statut personnel. L’application indissociable du droit civil français est-elle indissociable de la citoyenneté[78] ? Ce débat continuera jusqu’à la fin de la IIIe République, l’assimilation aux moeurs françaises que révèle l’application du droit civil français est-elle nécessaire pour l’exercice des droits politiques ? Enfin on peut voir dans le décret Crémieux[79] (mesure du Gouvernement de défense nationale), une conséquence a contrario du sénatus-consulte qui soumettait musulmans et israélites aux mêmes dispositions. Mesure collective faisant de tous les juifs d’Algérie des citoyens français, à l’exception de ceux qui restaient expressément attachés à leur statut personnel[80]. il rompt avec l’idée d’une accession individuelle à la citoyenneté après décision de l’exécutif. Ce texte fut vécu comme une humiliation par les musulmans[81], il pouvait être une mesure d’anticipation destinée à être rapidement étendue à tous les indigènes algériens, il pouvait en revanche être une mesure [*49] discriminatoire destinée à détacher nettement les juifs du reste de la population d’origine de l’Algérie, c’est cette seconde solution qui l’emporta.

Dans les autres pays colonisés par la France, quelle fut l’attitude adoptée en attendant la clarification qui allait se produire à la fin du siècle?

 

 

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Le droit colonial reste incertain, montrant qu’il utilise des catégories encore mal définies.

Durant les premières années de la IIIe République l’entreprise coloniale connaît un développement intense. La main-mise de la France s’opère soit par la colonisation directe, soit par le protectorat. Cependant les differences entre ces deux formes de domination ne sont pas très accusées, les textes sur la nationalité et la citoyenneté s’en ressentent ; l’Annam, le Tonkin, la Tunisie pourtant pays de protectorat avec soi-disant maintien d’une nationalité autochtone, se voient appliquer des dispositions proches de celles appliquées aux colonies soumises à administration directe comme par exemple la Conchinchine. Les catégories français, citoyens français, étrangers ne sont pas toujours différenciées avec la rigueur nécessaire, le temps des hésitations n’est pas encore achevé.

Toutes ces ambigu¥tés doivent être replacées dans le contexte de la discussion en France d’une réforme de la nationalité qui ne se concluera qu’après de longs débats parlementaires et extraparlementaires en 1889[82].

Le décret du 25 mai 1881[83] est dit relatif à la naturalisation des annamites en Cechinchine (qui a le statut de colonie). Il s’inspire étroitement du sénatus-cnsulte de 1865. Le décret affirme que l’indigène annamite est Français. II peut demander à jouir des droits de citoyen français, il est alors régi par les lois civil el et politiques applicables aux Français dans la colonie, il doit en conséquence déclarer qu’il renonce à son statut personnel. Sa famille (femme et enfants) le suit dans son changement de statut. Les indigènes des pays d’Extrême-Orient placés sous le protectorat de la France, domicilies depuis un an en Cochinchine, peuvent bénéficier de cette disposition[84]. Les étrangers peuvent obtenir après trois ans de résidence leur naturalisation en suivant la même procédure que les indigènes pour l’accession à la citoyenneté. C’est un décret présidentiel qui accorde naturalisation et citoyenneté[85]. Un décret relatif aux pays placés sous protectorat, [*50] Tonkin et Annam, autorise certains indigènes de ces pays, sous des conditions assez limitatives, à accéder à la citoyenneté[86]. Il place les indigènes tonkinois et annamites dans les mêmes dispositions que celles concernant les étrangers résidant dans ces pays sous protectorat et désireux d’être naturalisés français. Ce rapprochement ne se justifie pas par une authentique nationalité étrangère que l’on reconnaîtrait à ces indigènes du fait du protectorat, dans le décret précédent ils étaient nettement rapprochés des Cochinchinois qui eux sont dits Français, même s’ils ne sont pas citoyens. Un décret de la même date et comportant exactement les mêmes termes est publié pour la Tunisie, il suscite donc les mêmes remarques, la savante distinction opérée par les juristes entre les protectorats de droit interne (en Extrême-Orient) et ceux de droit international (en Afrique du nor’) n’est pas encore à cette date très pertinente en ce qui concerne l’accession à la citoyenneté et la naturalisation[87].

Si l’esprit du sénatus-consulte de 1865 inspire à l’évidence ces décrets qui révèlent encore une certaine imprécision dans les catégories du droit colonial, d’autres dispositions concernant des populations numériquerrient réduites montrent que d’autres solutions sont expérimentées par la puissance colonisatrice:

La France était présente à Tahiti sous la forme d’un protectorat qui lui avait permis de soumettre la population, dès 1868, au droit français sous réserve de quelques exceptions[88]. En 1880, le roi Pomaré V abdique et demande à la France de reconnaître pour Français ses anciens sujets. La loi du 30 décembre ratifie l’annexion, se conformant au souhait formulé par le roi, elle précise : «là nationalité française est acquise de plein droit à tous les sujets du roi.».

Du rapport précédant l’adoption de la loi[89] ressort qu’ici nationalité signifie bien citoyenneté. Certes les Tahitiens devenus citoyens français conservent leur statut personnel, est-ce le triomphe de l’idée émise par Prevost-Paradol dans La France nouvelle? En partie seulement Le statut personnel conservé par les Tahitiens n’est pas transmissible, de surcroît la francisation antérieure à l’abdication du roi l’a réduit à peu de chose, ce qui explique sans doute la facilité avec laquelle la France a accordé la citoyenneté. [*51] Dans les établissements français de l’Inde dont nous avons vu qu’en 1848 ils avaient été assimilés à la France, mesure sans lendemain, le décret du 21 septembre 1881 organise l’accession à la citoyenneté sans décision du pouvoir exécutif. II suffit que la «natif», comme le désigne le décret, alt déclaré se placer sous l’empire exclusif du droit français, renonçant ainsi à son statut personnel, pour qu’il devienne citoyen par sa seule volonté[90].

Ces deux expériences, limitées quant au nombre de bénéficiaires, montrent bien que les incertitudes demeuraient dans cette période, la constitution d’un vaste Empire s’accompagna d’un droit colonial plus systématique, d’autant que la loi de 1889 avait clarifié le droit commun de la nationalité.

 

 

2.            La clarification intervenue à la fin du XIXE siècle

 

La fin du XIXe siècle est déterminante dans le processus d’évolution. Après de longues années d’atermoiements, la troisième République, encore naissante, sous la ,ession de la crise démographique qui compromet le recrutement militaire, fixe les principes du droit commun de la nationalité. Elle commence aussi à appliquer un droit colonial dans ses possessions qui forment désormais un vaste Empire, faut-il mettre en vigueur les principes du droit commun de la nationalité qui viennent d’être définis, ou faut-il bien distinguer en ce domaine la France métropolitaine de ses colonies ?

La loi de 1889 ne peut être réduite à la seule nécessité imposée par les besoins de recrues militaires, alors que le nombre de naissances baisse plus rapidement en France que dans les autres pays européens. Elle est aussi présentée comme une réponse à l’immigration dont la cause est principalement économique. La France compte presque trois fois plus d’étrangers en 1881 qu’elle n’en comptait en 1851[91]. Des parlementaires expriment des opinions fort divergents à ce sujet, certains sont favorables à des mesures discriminant la main d’oeuvre étrangère :taxation spéciale, expulsions plus ou moins avouées[92], d’autres considèrent que la meilleure solution est l’assimilation, non dans le sens d’une mise en conformité avec les moeurs françaises, sens qui ne s’imposera que plus tard, mais dans mon sens politique : adhésion à la France, partie au sens d’une société transfigurée, par l’acquisition de la nationalité[93]. Ce sont les derniers qui l’emporteront, bien que la majorité parlementaire soit composée de républicains fort modérés. Mais à [*52] cette ouverture concernant la nationalité faite pendant la mise en place d’un contrôle administratif rigoureux des étrangers, crux qui ne deviennent pas Français doivent tous être identifiés et répertoriés par les mairies et les préfectures et au niveau central par le ministère de l’intérieur[94]. Désormais les étrangers sont constitués en une catégorie bien distincte au sein de la population. La loi de 1889 attire d’abord l’attention sur ce qu’est la nationalité. Le terme nationalité a longtemps été ignoré des textes législatifs, on rencontre dans les textes antérieurs les termes ou expressions citoyenneté, qualité de Français, naturalisation mais non le terme nationalité. II faut attendre une loi de 1874 pour que ce terme soit mentionné, se rapportant d’ailleurs à la nationalité d’origine, et une loi de 1882 où il est fait mention de la nationalité française[95]. Pour les juristes la nationalité a un sens très précis, elle détermine les ressortissants sur lesquels un Etat exerce sa souveraineté. La nationalité exprime de façon passive le rapport de l’individu à l’Etat[96], alors que la citoyenneté l’exprime de façon active. Il est significatif que la loi de 1889 omette le terme de citoyenneté[97], et qu’elle réintroduise l’inflgibilité aux assemblées législatives durant les dix années qui suivent la naturalisation[98] .

En revanche, elle réaffirme le lien entre la qualité de Français et l’exercice des droits civils. Elle exclut de la sorte de cette qualité, entendue dans sa plénitude ceux qui sont soumis à un statut personnel e1 ne se voient pas appliquer le bode civil[99]. Mais l’aspect essentiel de la loi est la reconnaissance du droit du sol, dans une dimension qui ne sera jamais plus égalée. en effet est Français non seulement l’individu né en France d’un parent qui lui-mêne y est né[100] ; mais aussi l’individu [*53] en France et qui y est domicilié à sa majorité, bien qu’aucun de ses parents n’y soit né[101] ; et plus encore celui né en France qui revient à sa majorité et faita soumission d’y fixer son domicile peut réclamer par simple déclaration la nationalité française[102], En reprenant certaines dispositions du Code civil augmentée de quelques autres, la loi de 1889 consacre la naissance sur le territoire français comme critère fondamental d’attribution de la nationalité française. Le droit du sol résout une difficulté que n’avait pas tranchée le Code civil : celle des enfants inconnus admis jusque-là de façon arbitraire français par la doctrine par présomption du droit du sang. Mais se repose la question déjà évoquée lors de la loi de 1851, avec une acuité accrue car la France a un Empire colonial beaucoup plus étendu, le sol français est-ce uniquement la métropole ou est-ce l’ensemble des possessions françaises ? La loi répond partiellement à cette question, son article 2 dispose qu’elle est applicable à l’Algérie, et aux colonies de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion, mais pour l’Algérie il précise que continue de recevoir application le sénatus-consulte de 1865. La loi, pour les autres colonies, renvoie à un futur règlement d’administration publique[103]. En 1893, une nouvelle loi nuance sur quelques points le contenu de la loi de 1889[104], mais surtout elle répartit différemment les droits de l’individu et ceux de l’Etat quant à la nationalité. En 1889, l’Individu né en France mais qui n’y était pas domicilié à sa majorité pouvait, nous l’avons vu, réclamer la nationalité française, il le peut toujours, mais désormais l’Etat a une faculté d’opposition qu’il ne peut utiliser que dans des conditions et procédures précises[105].

La loi de 1889 clarifie le droit de la nationalité, elle s’appuie sur l’idée que les individus socialisés dans les mêmes conditions doivent avoir la même nationalité[106]. Dans une certaine mesure, elle est une conséquence de la scolarité obligatoire instituée par la République. L’esprit d’ouverture, qui la caractérise, est bien [*54] réel, même s’il résulte du besoin en recrues militaires. Retrouve-t-on dans les colonies cet esprit d’ouverture ?

Rendre ou non la loi applicable aux colonies et ait un test permettant de juger l’attitude de la France à l’égard tant de ses possessions outre-mer que de leurs populations d’origine. La loi de 1889 confirme certes l’acquis de 1848, la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion sont la France même pour ce qui est de la nationalité[107], En étant applicable à l’Algérie, elle ne change en aucune façon la condition des indigènes puisque reste en vigueur le sénatus-consulte de 1865, mais les européens étrangers sont désormais promis en une génération à une francisation rapide, dans le but d’augmenter la cohésion de la présence coloniale. Comme les juifs de leur côté sont français depuis le décret Crémieux, la situation est désormais simplifiée : n’existent plus que deux catégories, les Français optimo jure et les indigènes musulmans, Français minito jure. Pour les autres colonies, il faut attendre le règlement d’administration publique prévue par la loi. Le temps nécessaire à sa publication, près de huit ans, étonna les contemporains. Cette lenteur manifestait la difficulté de l’entreprise : bien prendre la mesure de ce qui différenciait la France de ses colonies. Le règlement d’administration publique fut l’ouvre d’une commission extraparlementaire dont les travaux furent soumis évidemment à l’examen du Conseil d’Etat[108]. Les rédacteurs du décret ne firent pas mystère de leur conception différente pour les colonies de l’esprit qui avait prévalu dans l’élaboration de la loi de 1889. Ils ne voulurent pas que les conditions d’attribution de la nationalité furent identiques en métropole et dans les colonies, alors même qu’avant la parution du décret la doctrine considérait qu’elles devaient l’être[109], Le décret de 1897, portant règlement d’administration publique, constitue véritablement une fracture[110], car il institue un droit de la nationalité différent selon le territoire d’application pour bien montrer que l’Empire colonial à son apogée est régi par des dispositions propres, révélant ainsi toute la spécificité du droit colonial.

Que contient le décret de 1897 ?

Le point capital se trouve à la fin du texte où est affirmé avec force : «il [*55] n’est rien changé à la condition des indigènes dans les colonies françaises»[111]. Ces derniers continueront à être soumis à des textes spéciaux qui ne répondent à aucun souci d’uniformité, fixés territoire par territoire, même si un esprit d’ensemble inspire ces textes. A certains textes précédents qui rapprochaient dans la naturalisation-accession à la citoyenneté étrangers et indigènes, on oppose désormais deux catégories parfaitement distinctes. La reconnaissance du droit du sol dans les colonies, même pour les enfants issus d’étrangers et non pas d’indigènes, aurait pu à terme entraîner des confusions dans l’attribution de la qualité de Français optimo iure, notamment en ce qui concerne les enfants d’étrangers autres qu’européens. Les rédacteurs n’en ont pas voulu, ils ont donc, contrairement à la loi de 1889, écarté tout droit du sol des colonies, ils n’ont fait qu’une exception concernant les enfants nés de parents inconnus ou de nationalité inconnue, Français par la naissance sur un sol français[112], cette exception a reçu, par la suite, de nombreuses et subtiles limitations de peur des interférences qu’elle aurait pu susciter. C’est la même volonté de bien fixer les catégories et de laisser à l’administration coloniale le soin de gérer de façon différenciées, les populations soumises à son contrôle que l’on retrouve dans le refus de toute acquisition de la nationalité française par déclaration. Il est clair que le choix de la nationalité laissé à l’individu est lui aussi susceptible de créer des incertitudes dans la gestion de ces populations. Ici les droits de l’Etat l’emportent totalement sur ceux de l’individu, sauf en ce qui concerne la répudiation de la nationalité française. Tout est organisé pour laisser seule l’administration trancher : seule une décision du pouvoir exécutif un décret, permet l’acquisition de la nationalité française[113]. Certes, et en quelque sorte pour ne pas décourager les étrangers désireux de devenir Français, les conditions de naturalisation sont plus faciles qu’en métropole[114], En prenant à contre-pied la loi de 1889 dont il constitue pourtant un texte d’application, le décret de 1897 fixe le cadre d’ensemble puisqu’il est applicable à toutes [*56] les colonies, à l’exception de celles écartées par la loi même[115], autorise la mise en place d’un système colonial de la nationalité différent dans ses principes mêmes du droit commun républicain de la nationalité inspiré par le souci d’égalité juridique entre les individus.

 

 

DE L’EPANOUISSEMENT A L’ESSOUFFLEMENT DU SYSTEME COLONIAL DE LA NATIONAL1TE

 

Le morcellement des sources diverses, selon les territoires, rend délicate la restitution d’un droit considéré comme un tout. Pourtant, et les juristes spécialisés dans le droit colonial au moment de son apogée ne s’y sont pas trompés[116], les similitudes entre les textes, la jurisprudence convergente des juridictions coloniales révèlent une cohérence telle qu’on peut lui appliquer le terme de système.

Il ne faudrait pas croire en une évolution linéaire qui progressivement aurait limé les aspects les plus caractéristiques de ce droit colonial pour aboutir logiquement à une affirmation du principe d’égalité entre tous les individus de l’ensemble français. La citoyenneeté (qualité de Français optimo iure) conférée à tolus, loin d’être l’aboutissement d’un processus, est quasiment un accident historique. Elle est surtout la conséquence inéluctable de la participation des peuples colonisés à la seconde guerre mondiale. L’affirmation du principe d’égalité a une signification plus apparente que réelle, subsiste dans l’Empire colonial rebaptisé Union française une stratification entre populations qui n’est pas que d’ordre résiduel: Cette stratification rejaillira dans une certaine mesure, au moment de la décolonisation quand il s’agira de préciser la situation des anciens colonisés au regard de la nationalité française.

 

 

L’épanouissement du système colonial

 

Désormais métropole et colonies connaissent deux droits nettement différenciés, il n’y a plus de ballet juridique comme au XIXe siècle. Certes il y a encore quelques interférences[117], mais elles ne remettent pas en cause les références désormais bien fixées du droit colonial. Cependant au sein même de l’Empire colonial, [*57] si les principes sont à peu près partout les mêmes, il y a poursuite d’exprlences innovantes, dont l’Algérie, comme d’habitude, est le principal terrain. Mais à la fin de la IIIe République, on assiste à une crispation accrue des différenciations entre catégories de population.

 

 

1.            Les «ressortissants, Français et les étrangers

 

L’expression «ressortissants» Français est employée par commodité, à l’instant de ce que faisaient déjà certains juristes de la période coloniale[118].

Elle désigne tous les individus placés sous la souveraineté française, même s’ils le sont à des degrés extrêmement divers. Mais les distincitions entre «ressortissants» Français qui traduisent entre eux une indubitable hiérarchisation se retrouvent aussi entre étrangers.

Parmi les «ressortissants» Français la différence essentielle se situe entre les citoyens, qui jouissent de tous les droits civils et politiques (Français optimo jure)[119], et les autres. La citoyenneté avait disparu de notre droit commun de la nationalité, elle subsistait comme critère de distinction au sein de l’Empire colonial.

Qui trouve-t-on parmi les non-citoyens?

Le statut du territoire sous domination française est ici déterminant.

Dans les territoires où avait disparu toute entité de type étatique, même fantomatique, les indigènes étaient des sujets français. Ce terme de sujet appartient à la langue juridique de l’Ancien Régime. La République, après quelques hésitations, l’assume[120] et l’admet parfaitement. II y aura donc des sujets qui ont bien la nationalité française, sans avoir la plénitude des droits qu’elle confère normalement. En quoi consiste le statut de sujet? II y a une relation étroite entre le statut personnel entraînant la non application du droit civil français et l’absence de droits politiques, cela apparaissait déjà dans le sébatus-consulte de 1865, même si le terme de sujet n’était pas utilisé. L’absence de droits politiques ne signifie pas non-participaion à des élections locales de type administratif[121], mais non-participation à toutes élections impliquant la souveraineté. Le lien entre la non-application du droit civil [*58] français et la non-participation politique sert bien évidemment pour la République de justification suprême, du statut de sujet. Se remémorant la définition de Siéyès qui écrivait:

 

«les droits politiques, comme les droits civils, doivent tenir à la qualité de citoyen»[122],

 

les juristes refusent aux indigènes la qualité de citoyen. Une conception discutable de l’égalité l’explique, l’égalité juridique consiste non à affirmer (contrairement à la Déclaration des droits)[123], que les hommes naissent égaux juridiquement, mais que c’est l’application de la même loi qui fait cette égalité. Le sujet a donc suatout une obligation de soumission[124], qui se traduira selon les colonies de façon très diverse, du service militaire[125] au travail forcé[126]. Mais il serait erroné de considérer qu’il n’a aucun droit, «t que les drits dont les Français optimo jure se réclament lui sont tous étrangers. D’abord les obligations auxquelles les étrangers sont soumis ne les concernent pas, ce qui marqtie la démarcation claire entre lesdeux categories. Les sujets n’ont pas, par exemple, à verser une caution iudicatum solvi devant les tribunaux. Ensuite, et même si its sujets ont du lutter pour se les voir reconnaître, ils ont en l’absence de textes contraires[127] les mêmes droits que les Français (en dehors des droits civils et politiques) : protection diplomatique matérialisée bar la délivrance d’un passeport, nitêmes droits professionnels lorsqu’ils ont les diplômes requis. En 1923 la Cour de assatiofl a reconnu à un noir, sujet Français, qui avait les diplômes requis, le droit d’exercer la profession d’avocat[128], Le droit d’exercer les mêmes professions que les autres Français a pu provoquer des remous parmi les [*59] salariés français d’origine métropolitaine. La marine marchande en est le meilleur exemple. Jusqu’aux toutes premières années du XXe siècle, l’immigration en provenance des territoires colonisés était tout à fait réduite ; en revanche,les bateaux qui reliaient les colonies entre elles et à la métropole pouvaient-ils, pour des raisons de main d’oeuvre moins onéreuse, embarquer des indigènes ? Les syndicats de marins y sont dans l’ensemble hostiles, alors que les armateurs évidemment y sont favorables. Le Travailleur de la mer, organe de la Fédération nationale des syndicats maritimes contient des compte rendus de grèves ayant pour cause le refus d’embarquer des indigènes[129]; il contient aussi des articles de militants syndicaux opposés à la présence des indigènes sur les bateaux. L’acte de navigation maritime remontant à 1793 fait obligation d’embarquer sur les bateaux français 3/4 de marins français, doit-on compter les indigènes dans les 3/4 de Français ou dans le 1/4 d’étrangers ? L’affaire fut longue et sérieuse, et ce n’est qu’en 1912 qu’elle fut tranchée par Delcassé, alors ministre de la marine, après consultation du Conseil d’Etat. La circulaire de Delcassé reconnaît, sans ambigu¥té, que les sujets doivent être comptés parmi le contingent français de l’équipage : «Le Conseil d’Etat avait été consulté sur la portée de cet article (de la loi du 21 septembre 1793 - Acte de navigation) et appelé à examiner si les indigènes sujets Français, embarqués sur des navires de commerce, devaient être considérés comme des Français, au sens de la loi, ou comme des étrangers... Considérant que l’objet essentiel dé cette dernière disposition était de limiter, en vue de protéger les intérêts français et de favoriser le développement de la marine nationale, le nombre de marins étrangers sur les navires de commerce, qu’elle ne peut avoir pour effet d’exclure la partie obligatoirement française du personnel du bord les indigènes de nos colonies, sujets Français, qui, à raison de cette qualité et quel que soit d’ailleurs le statut qui les régit, ne sauraient être englobés dans la catégorie des marins étrangers dont le nombre ne peut excéder le quart de l’équipage»[130].

Mais comment devient-on sujet?

II faut surtout voir dans la condition de sujet le résultat logique de la conquête coloniale, un territoire est conquis, il entraîne la soumission de sa population à la souveraineté française, le sort des individus suit celui de la terré. On peut aussi devenir sujet par décision de l’Administration coloniale, c’est une naturalisation qui concerne d étrangers vivant dans une colonie française, et que leur mode de vie rapproche des indigènes. Ces étrangers ont la possibilité de devenir sujets Français. Pour ce faire, l’étranger doit être gi par un statut personnel et remplir une condition montrant ses liens avec la France : ancien combattant Français ou simplement être domicilié depuis un certain temps dans la colonie. Après enquête, le [*60] gouverneur de la colonie prend la décision de lui reconnaître la qualité de sujet Français. Cette procédure lie étroitement l’octroi de la qualité de sujet a une colonie précise puisqu’une décision locale la confère à l’inverse de la naturalisation optmo jure obtenue seulement après un décret du Président de la République[131]. La qualité de sujet pour les autorités françaises est une condition inférieure car le sujet peut éventuellement devenir citoyen, alors que ce dernier ne peut jamais devenir sujet. Une fois accordée, la qualité de citoyen est irréversible. Lorsqu’on a eu la chance d’accéder à ce «nirvana» de la colonisation, il est inimaginable de vouloir en sortir[132].

Mais tous ceux qui étaient soumis à la domination française n’taient pas pour autant sujets Français. II y avait les protégés et les administrés français. Le terme protégé est ambigu, car il recouvre deux catégories différentes. Les protégés à titre individuel, qui par suite d’une inscription dans un consulat français, tout en n’étant pas Français, dépendent pourtant des juridictions françaises. Ces protégés habitent soit des pays de protectorat, soit des pays sur lesquels la France n’exerce pas une domination directe. Plusieurs lois ont facilité, en ce qui les concerne, l’acquisition de la nationalité française[133]. Les autres protégés sont tout simplement les habitants des pays protégés par la France, les protectorats. Les protetorats connaissent, selon les accords passés avec la France et l’évolution de ces accords, des situations différentes, les uns se rapprochant de l’administration. directe, les autres gardant un minimum d’organisation étatique propre. Il n’en reste pas moins qu’au regard de la nationalité française deux éléments caractérisent les individus relevant d’un protectorat. Celui-ci est de nationalité étrangère, sujet de l’empereur d’Annam, du bey de Tunisie ou du sultan du Maroc, il n’est donc pas de nationalité [*61] française, mais de nationalité étrangère. Mais la soumission de son pays à la domination française n’en fait pas un étranger, dans la pleine signification de ce terme. En effet, il a droit à la protection diplomatique française et sur certains points il est assimilé à un Français. II appartient donc à une catégorie d’étrangers toute particulière[134].

Restent les administrés, ceux qui sont originaires de territoires sous mandat, placés sous l’autorité de la France après la première guerre mondiale. II y a lieu de distinguer les mandats A, provenant de l’ancien Empire ottoman et situes au Proche-Orient, et les mandats B, provenant de l’ancien Empire colonial allemand et situés en Afrique noire. Les administrés relevant de mandats A ont, sur la base de l’article 22 du pacte de la Société des Nations, une nationalité propre[135] tandis que ce n’est pas le cas pour les administrés relevant des mandats B, ils n’ont pas de nationalité propre, et n’ont pas, non plus, la nationalité française, en vertu d’une résolution du Conseil de la Société des Nations[136]. Si on peut les considérer, au sens le plus large, comme ressortissants Français, parce que soumis à domination de la France et bénéficiant d sa protection diplomatique, n’ayant pas de nationalité ils sofit en fait des apatrides. Mais un texte ouvrira la possibilité à certains d’entre eux, d’accéder à la citoyenneté française[137]

ta citoyenneté permet de jouir de tous les droits attachés à la qualité de Français, elle lie étroitement, comme nous l’avons vu par la négative pour les sujets, la jouissance des droits civils français et celle des droits politiques. En permettant, sous certaines conditions fort restrictiges, aux indigènes d’accéder à la citoyenneté, à ce «nirvana» de la colonisation, la France entend montrer aux indigènes les plus «méritants», les plus loyaux, les plus proches d’elle pour diverses raisons, qu’ils ont une brillante issue, qui marque tout le chemin parcouru pour [*62] parvenir d’une civilisation inférieure à une civilisation supérieure[138] Félicien Challaye dans son livre largement autocritique, Souvenirs sur la colonisation, écrit:

 

«Quand je suis parti, il y a trente-cinq ans, pour le premier de mes grands voyages, je croyais na¥vement ce qu’on m’avait enseigné dans les écoles de la République. Je croyais que la colonisation est une entreprise humanitaire, destinée à faire progresser des peuples de race inférieure au contact de la civilisation blanche. Je croyais que ces peuples arriérés sollicitent le secours des blancs, et qu’ils leur sont reconnaissants de cette aide dévouée. Je eroyais que la France est la plus bienveillante de toutes les puissances colonisatrices, et que le loyalisme de ses sujets témoigne de leur gratitude»[139]

 

Longtemps aucun texte à portée générale n’a été édicté sur l’accession à la citoyenneté, ce n’est qu’en 1915 qu’une loi en a traité poti’r les sujets résidant en France ou dans une autre colonie que leur pays d’origine[140]. Normalement l’accession à la citoyenneté est régie par des décrets spéciaux relatifs à un territoire d’application donné. Ces décrets spéciaux n’ont pas été pris en même temps, mais au fur et à mesure que les colonies semblaient se rapprocher de la France. La hronologie de ces décrets révèle le jugement que la France portait sur l’évolution d’ensemble de chacune de ses colonies. Certaines étaient considérées comhe peuplées d’indigènes susceptibles de progresser assez rapidement vers la civilisation française (modèle proposé aux colonisés), d’autres en revanche étaient classées dans les colonies arriérées, et c’est plus tardivement que des décrets spéciaux sur l’accession à la citoyenneté ont été pris à leur égard. Ainsi, si on fait abstraction du sénatus-consulte de 1865 pour l’Algérie, on s’aperçoit que cinquante-six années séparent le décret de 1881 relatif à l’acquisition éventuelle de la citoyenneté des Cochinchinois et le décret de 1937[141] relatif à la même accession pour les indigènes de la Côte française des Somalis dont un auteur écrivait quelques années auparavant : [*63]

 

«Contrairement à ce qu’il a fait dans toutes les autres possessions, le législateur colonial n’a pas encore prévu pour ces indigènes le mode d’accession individuelle à la citoyenneté française : c’est que leurs moeurs sont encore très primitives»[142]

 

Quasiment toute la durée de la 111e République aura été nécessaire pour l’évaluation globale des indigènes de chaque colonie, la puissance colonisatrice délivrant en quelque sorte des certificats d’évolution et jugeant autai par là les résultats de son entreprise[143]

Comment un sujet accède-t-il à la citoyenneté et quels sont les effets de cette accession ?

A travers les décrets spéciaux et la loi à portée générale, on retrouve des conditions et une procédure d’accession à peu près semblables. L’accession à la citoyenneté diffère nettement de la naturalisation destinée aux étrangers. Les ambigu¥tés relevées au début de la IIIe République rapprochant dans certains textes[144] accession à la citoyenneté et naturalisation ont désormais disparu. Les conditions requises pour demander la citoyenneté tournent autour de deux points: loyalisme à l’égard de la France et conformité à la civilisation française. La loi à portée générale de 1915 énumère entre autres conditions sans qu’elles soient d’ailleurs toutes cumulatives : le service militaire dans l’armée française, le mariage avec une française, la connaissance du français, un diplôme française... Le décret de 1937 concernant la Côte française des Somalis énumère, mais alors de façon cumulative, des conditions du même type. Il est rédigé ainsi:

 

«Tout sujet français né et domicilié à la Côte française des Somalis, pourra sur sa demande... accéder à la qualité de citoyen français S’il réunit les conditions suivantes: soit avoir fait preuve de dévouement aux intérêts français ... Soit avoir épousé une française... savoir lire et écrire le français justifier de moyens d’existence certains et de bonne vie et moeurs, s’être rapproché de la civilisation française par son genre de vie et ses habitudes sociales, s’il est marié être monogame, et que sa famille soit ellé-ménie, rapprochée de notre civilisation par son genre de vie et ses habitudes sociales, avoir fait usage de l’état civil depuis son institution à la Côte française des Somalis, pour faire constater son mariage et la naissance de ses enfants, [*64] avoir fait donner à ces derniers une instruction française»[145]

 

Généralement pour les anciens combattants au moment de la guerre de 1914-1918, ou après, les conditions ont été allégées[146].

La procédure suivie pour l’accession à la citoyenneté est complexe la demande est déposée auprès de l’administration locale (généralement le commandant de cercle) qui la fait parvenir après enquête au gouverneur de la colonie avec une appréciation motivée, le gouverneur émet en conseil un avis et transmet le dossier au ministre des colonies. Puis le Président de la République prend un décret sur proposition du ministre des colonies et du garde des sceaux[147], II y a do,,pc nécessairement une décision du plus haut niveau du pouvoir exécutif.

L’accession à la citoyenneté est suivie de l’application du droit civil français et comporte donc toujours renonciation au statut personnel, l’idée émise par Prévost-Paradol d’une «naturalisation» (employée ici pour citoyenneté) donc le statut n’a pas été retenu, l’accession donne immédiatement la différence de la naturalisation des étrangers, tous les droits politiques[148]. Le «nirvana» st atteint, la citoyenneté est d’abord un label de civilisation française. II y a extension de la citoyenneté à la femme et aux enfants mineurs légitimes inscrits sur les actes de l’état-civil[149] Les enfants majeurs pourront, selon une procédure simplifiée obtenir un décret spécial d’accession à la citoyenneté[150]. Un décret de 1918 relatif aux anciens combattants de l’Afrique occidentale française (A.O.F.) et de l’Afrique équatoriale française (A.E.F.) accorde la citoyenneté, sur la demande du candidat, à ses femmes et à ses enfants[151]. Ce décret troubla les spécialistes du droit colonial car il assouplissait les catégories auxquelles ils étaient habitués et introduisait, en reconnaissant la polygamie, cette fameuse «naturalisation» dans le statut. Un décret de 1933 est venu corriger cette disposition et empêcher clairement les interférences entre catégories. L’intégrité du droit colonial était préservée[152], [*65]

Les «ressortissants» Français sont donc constitués de groupes divers hiérarchisés par le droit. Mais ce sont les étrangers qui donnent l’idée la plus exacte de cette gestion juridique hiérarchisée de divers groupes caractéristique de la colonisation. C’est par rapport à eux, en quelque sorte en négatif comme dans la photographie, qu’apparaissent deux catégories distinctes et hiérarchisées, pour des raisons d’appartenance raciale ou ethnique différentes du simple rapport de la nationalité à la francité.

II y a deux catégories d’étrangers, les étrangers de droit commun et les étrangers assimilés aux indigènes.

Les étrangers de droit commun sont d’origine européenne ;bien évidemment loin d’être traités comme des indigènes, ils appartiennent au groupe des colonisateurs. La condition des étrangers, dans les colonies comme pour l’essentiel dans les protectorats[153], est pour l’essentiel ce qu’elle est en France. Ils sont soumis aux juridictions françaises. L’acquisition de la nationalité française en ce qui les concerne relève des décrets d’application pour les colonies des lois sur la nationalité. Quelques observations méritent d’être formulées à ce sujet.

Après la loi de 1927 sur la nationalité, les régies d’acquisition ont «été dans l’ensemble assouplies, du moins en théorie car le décret d’application de 1928[154] à portée générale a vu ses effets considérablement limités par des décrets ultérieurs dans un grand nombre de territoires[155]. Le décret de 1928 introduit le droit du sol[156] admet dans certains cas l’acquisition par déclaration[157]. Quant aux protectorats, la France les distingue de moins en moins de ces colonies pour ce qui est de l’acquisition par les étrangers d’origine européenne de la nationalité française. Ainsi en Tunisie, un décret, en 1921, introduit le droit du sol:

 

«Est Français tout individu né dans la Régence de Tunis de parents dont [*66] l’un, justiciable au titre étranger des tribunaux français du protectorat, est lui-même né dans la Régence, pourvu que sa filiation soit établie, en conformité des prescriptions de la loi nationale de l’ascendant ou de la loi française avant l’age de 21 ans...»[158]

 

Ce décret auquel correspondait un décret beylical jumeau, souleva de vives protestations de la Grande-Bretagne, dont les ressortissants, c’est-à-dire les 13 500 maltais vivant en Tunisie, devenaient Français par le droit du sol, alors que la Tunisie était non une colonie, mais un protectorat. Le litige fut porté devant la Cour permanente de justice internationale et une loi en 1923 nuane le décret de 1921 en permettant l’option de nationalité pendant l’année suivant la majorité[159]. A la même date et avec le même contenu que pour la Tunisie, un décret en 1921 intervient pour le Maroc[160], la Grande-Bretagne en fut mécontente et en 1937 une convention franco-britannique exclut de son champ d’application sujets et protégés britanniques[161]. Le durcissement du droit commun de la nationalité dans les années 30, lié notamment à l’afflux de réfugiés en France, va e répercuter dans l’Empire colonial[162]. Quoiqu’il en soit, il y a eu une volonté très nette de la France de rendre plus homogène la présence coloniale, en y propageant la nationalité française, qu’il s’agisse de territoires sous administration directe oil’ de protectorats.

La seconde catégorie d’étrangers est constituée des étrangers assimiles aux indigènes. La raison invoquée pour l’existence de cette catégorie particulière d’étrangers était le respect de leur statut personnel dont on estimait qu’il se rapprochait de celui des indigènes. On les assimile donc aux indigènes, non sur.le plan de la nationalité, puisque, sauf s’ils le demandent, ils ne deviennent pas sujets Français, mais sur le seul plan du statut personnel. Ce qui explique qu’il existait des indigènes assimilés même là où il n’y avait pas, au sens juridique du terme, de sujets Français, dans les protectorats[163]

Mais il serait trompeur de ne s’en tenir qu’au statut personnel. Le souci de la puissance colonisatrice a bien été de répartir des populations, non en fonction de la nationalité, mais en fonction d’une ligne de démarcation entre colonisateurs et [*67] colonisés. Prennent place dans ce second groupe tous ceux qui, par leurs traits ethniques et/ou raciaux, peuvent former un groupe homogène au regard de la puissance colonisatrice. Un juriste s’exprime de la sorte

 

«... il a été indispensable de distinguer relativement à chaque colonie, les étrangers de droit commun, des étrangers assimilables aux indigènes-de la colonie donnée. En effet, les hasards de la politique et de la guerre ont seuls décidé des frontières des colonies, de sorte qu’il n’y à la plupart du temps, aucune différence entre les indigènes des colonies et ceux des territoires limitrophes : et qu’on est bien embarrassé d’en établir légalement, lorsque, comme c’est souvent le cas, les frontières linguistiques sont sans aucun rapport avec les frontières politiques»[164].

 

Les étrangers assimilés aux indigènes sont bien évidemment soumis à la police des étrangers et à ce titre risquent l’expulsion[165], en revanche la nationalité française leur est accessible seulement eu tarit que sujets : sauf exceptions. Le système colonial de la nationalité avait incontestablement atteint une grande maîtrise pour répartir les populations dans des groupes répondant à la logique de la colonisation. Comportait-il des possibilités d’évolutioi ?

 

 

2.            Le système colonial entre l’immobilité et l’évolution

 

Toute cette construction juridique, dotée d’articulations complexes, repose sur une ambigu¥té. A-t-elle à terme pour finalité la généralisation de la citoyenneté créatrice de l’égalité jurisique, sans qu’on ait à distinguer enfrre Français optimo jure et Français minuto iure ? Doit-elle au contraire maintenir une dominlition française référée à une hiérarchisation entre les colonisateurs et les indigènes?

On constate jusqu’à la fin de la IIIe République la poursuite d’expériences parallèles souvent opposées, ce qui renforce l’impression d’ambigu¥té. Les critères servent à discriminer les individus selon les appartenances de groupes se sont-ils atténués on durcis ? Apporter une réponse à cette question est tin élément important pour se prononcer sur l’immobilité ou sur l’évolution.

La poursuite d’expériences parallèles ressort aussi bien deiffrencés dans l’attitude française en Algérie et au Maroc que dans l’application à l’Empire colonial de la loi de 1927 sur la nationalité.

Certes l’Algérie, divisée en départements, a un Statut qui la rapproche du ter[*68]ritoire métropolitain. Au demeurant jusqu’à la guerre de l914-l918, seul le sénatus-consulte dc 1865 régit la nationalité et la citoyenneté des indigènes, il a inspiré des textes s’appliquant à d’autres colonies qui, bien que n’étant pas départementalisées, ont de ce point de vue-là un droit proche, voire semblable à celui de l’Algérie. Durant la guerre dc 1914-1918 Georges Clémenceau et Georges Leygues proposent, suite à des articles parus dans la Revue Indigène et Le Temps, que les Algériens obtiennent la «naturalisation» dans le statut, c’est-à-dire la citoyenneté sans renonciation au statut personnel et évoquant la guerre ils affirment que «l’heure ne saurait être mieux choisie pour réaliser la réforme par des actes précis et définitifs»[166]. La loi du 14 février 1919 n’admet pas cette «naturalisation» dans le statut, elle ouvre pourtant une brèche dans le dispositif d’accession à la citoyenneté dans l’Empire colonial français[167]. D’abord elle n’abroge pas le sénatus-consulte de 1865, les musulmans algériens pouvant désormais choisir entre ce texte et la loi de 1919 pour devenir citoyens[168]. Ensuite cette loi ne dissocie pas comme on l’avait espéré, jouissance des droits politiques et soumission au droit civil français, son article li précise que les effets de la citoyenneté sont ceux que l’on trouve dans le sénatus-consulte[169]. De plus pour bénéficier de la loi de 1919 l’indigène algérien ne doit pas être polygame[170]. Les conditions pour accéder à la citoyenneté sont assez semblables à celles mentionnées dans d’autres textes avec des citères ordonnés autour des deux points : loyalisme envers la France et conformité minimale avec la civilisation française[171]. Enfin la loi innove, et c’est le plus important, quant à la procédure elle-même. La citoyenneté peut être acquise sans qu’il y ait décision du pouvoir exécutif, l’indigène a en quelque sorte un droit légal à la citoyenneté s’il remplit les conditions requises. En effet, il dépose, avec les pièces exigées, une demande auprès du juge de paix ou de l’autorité qui en tient lieu, qui adresse le dossier au tribunal civil après les transmissions nécessaires auprès des autorités[172]. Si dans les deux mois qui suivent l’enregistrement, il n’y a pas [*69] opposition du gouverneur général ou du procureur de la République, le tribunal de première instance déclare que le postulant admis à la qualité de citoyen français[173]. S’il y a opposition, le tribunal devra en apprécier le bien-fondé, et s’il la rejette, il déclarera que le postulant est admis à la qualité de citoyen français. L’article 8 s’inspirant visiblement d’une disposition rpoche de la loi de 1889 concernant l’acquisition de la nationalité ajoute:

 

«Dans le même délai de deux mois... le gouverneur général pourra, par un arrêté délibéré en conseil de gouvernement et approuvé par le ministre de l’intérieur, s’opposer pour cause d’indignité, à la déclaration du tribunal...».

 

Une loi de 1929 étend aux femmes le bénéfice à leur seule demande, du sénatus-consulte et de la loi de 1919[174]. Cette loi est une brèche dans la procédure d’accession, mais cependant elle n’est en rien une tentative de généralisation de la citoyenneté qui n’aurait été possible qu’avec maintien du statut personnel auquel les indigènes algériens n’étaient pas prêts massivement à renoncer.

Le Maroc constitue une expérience d’un type opposé, ce qui ne tient pas qu’à son statut de protectorat, mais a une volonté expresse du colonisateur. Le Maroc est placé sous domination française tardivement : la colonisation, s’appuyant sur les expériences antérieures, s’est voulue rationnelle et efficace. Elle a délibérément limité les interférences entre catégories de la population qui s’étaient produites dans d’autres protectorats comme l’Annam ou la Tunisie[175]. Si les étrangers d’origine européenne sont promis, comme nous l’avons vu, à devenir Français à terme, aucun texte spécial ne concerne l’acquisition de la nationalité française par Marocains qui sont renvoyés au droit commun de la nationalité tel qu’il est appliqué en France métropolitaine[176]. Les Marocains, mise à part la protection diplomatique que la France leur doit, sont considérés comme des étranger dans lé sens le plus absolu du terme. [*70]

D’autres différences apparaissent quant à l’application dans les colonies de la loi de 1927 sur la nationalité. Le décret de 1928, conçu pourtant comme étant de portée générale à l’exception des Antilles, de la Réunion, de l’Algérie et des protectorats d’Afrique du Nord[177], ne sera pas appliqué dans beaucoup de colonies à cause des risques d’interférences entre catégories qu’il pourrait susciter. C’est ainsi qu’à Madagascar, en Indochine, dans les établissements de l’Océanie où les metissages sont fréquents et pas toujours issus d’unions légitimes, on supprime toute référence au droit du sol pour éviter des glissements vers la qualité de français optirno jure d’individus qu’on n’aurait pas pu rattacher explicitement au roupe des colonisateurs. Les risques d’interférences n’existant pas ou étant moindres en A.O.F. et en A.E.F. le décret de 1928 y reçoit application.

Ces risques d’interférences sont au centre des critères discriminant les diverses catégories. Sont-ils susceptibles d’évoluer, et dans quel sens peuvent-ils le faire ?

 

 

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Ces critères ne vont pas connaître un assouplissement bien au contraire, Au fur et à mesure que les mélanges inéluctables se produisent, la rêglementation s’efforce de maintenir les catégories fixées, autant que faire se peut.

C’est ce qui explique l’intervention du législateur ou du pouvoir réglementaire en matière de filiation, pour éviter les glissements entre catégories qui pourraient se produire par cette voie. Ainsi, dans beaucoup de possessions françaises, des restrictions ont été apportées à la reconnaissance de paternité ou de maternité, quand elle impliquait d’une part des citoyens Français ou des étrangers d’origine européenne et d’autre part des indigènes. On a dénoncé les trafics de reconnaissance dans le seul but de faire échapper les sujets à leur statut. Dans de nombreux territoires[178] des décrets sont intervenus avec pour objet essentiel la modification de l’article 339 du Code civil

 

«Toute reconnaissance de la part du père ou de la mère de même que toute réclamation de la part de l’enfant pourra être contestée par tous ceux qui y auront intérêt»

 

Ils ont introduit le Ministère public parmi les personnes susceptibles de contester [*71] la reconnaissance. Dans certains territoires, Madagascar, A.E.F., la reconnaissance de surcroit doit être homologuée par le tribunal[179].

La loi de 1912 sur la recherche de paternité prévoyait qu’elle était applicable à toutes les possessions françaises, mais ajoutait que «le pouvoir local en promulguant la loi, aura le droit de dire qu’elle ne s’àppliquera qu’au seul cas où la mère et le prétendu père seront de nationalité française (au sens d’opnmo lure) ou appartiendront à la catégorie des étrangers assimilés aux nationaux (étrangers de droit commun)). Le pouvoir local a utilisé très largement cette faculté laissée par la loi. Soit il a interdit la recherche de paternité aux Indigènes certains, mais l’a laissée ouverte aux métis dont le père prétendu est Français[180], soit il a interdit aux indigènes et aux métis[181]. Si dans le premier cas il y a possibilité de passer de la catégorie de sujets à celle des citoyens, d’une génération à une autre génération, quand le père, objet de la recherche, est citoyen ; dans le second cas l’étanchéité entre catégories est absolue. Un juriste justifie de la sorte cette étanchéité, «elles (les autorités locales) n’ont suivi que l’instinct social du colonisateur qui se rend assez fort pour lutter par ce moyen contre le phénomène lui-même du métissage, et qui considère en outre avec raison que toute recherche de paternité dirigée par un métis contre un Français, est de nature à porter atteinte au prestige de la métropole»[182]. En pesant ainsi, comme il le fait, sur le droit de la paternité et de la filiation, le pouvoir colonial cherche à verrouiller le système qu’il a mis en place. Il en est de même pour l’attribution de la citoyenneté aux enfants nés de parents inconnus ou dont la nationalité est inconnue. De nombreuses décisions de justice ont reconnu la qualité de citoyen, dans les années 20, à des métis de filiation inconnue[183]. Dans un rapport présenté au Conseil supérieur de législation coloniale, cette jurisprudence a été considérée comme tout à fait dangereuse, on y a vu une interféence redoutable entre catégories fixées par le pouvoir colonial[184]. Des décrets ont été publiés en vue de bien préciser dans quelles conditions tin métis de filiation inconnue pourrait se voir reconnaître la qualité de citoyen. Ils concer[*72]nent un grand nombre de colonies[185]. Si on examine le premier de ces décrets dans l’ordre chronologique, celui du 4 novembre 1928 relatif à l’Indochine, s’appliquant à tous les territoires de l’Indochuife quel que soit leur statut, décret repris dans le texte plus général du décret du 4 décembre 1930, on lit:

 

«Tout individu, né en Indochine de parents inconnus ou dont la nationalité est inconnue, à moins qu’il ne soit présumé être né de parents indigènes ou asiatiques assimilés en vertu d’une décision de justice rendue, à la requête du ministère public ou de toute autre personne intéresse, par le tribunal de première instance dont dépend le lieu de sa naissance. La présomption que les parents sont indigènes ou assimilés peut être établie par tous les moyens et notamment en tenant compte des éléments d’appréciation ci-après : nom porté à l’enfant, éducation et culture reçues, situation dans la société»[186].

 

On s’aperçoit des précautions prises pour déterminer l’appartenance raciale sans recourir à un critère racial, mais à des critères sociaux qui bien évidemment dans une société coloniale recoupent les appartenances au groupe des colonisateurs et au groupe des colonisés. On peut y déceler une certaine hypocrisie, on peut y voir aussi la répugnance du droit français à donner une sanction juridique crument affirmée à une appartenance raciale. Mais dans certaines colonies la tentation était trop grande pour ne pas prendre compte une telle appartenance raciale. Dans les décrets relatifs à l’Afrique noire, où, d’évidence, les différenciations raciales sont davantage marquées, on trouve la formulation suivante

 

«La présomption que le père ou la mère, demeuré légalement inconnu, est d’origine française ou étrangère de souche européenne, peut être établie par tous les moyens. Les principaux éléments d’appréciation sont le nom que porte l’enfant, le fait qu’il a reçu une formation, une éducation et une culture françaises, sa situation dans la société»[187].

 

Certes les éléments d’appréciation sont semblables à ceux mentionnés dans le décret relatif à l’Indochine, mais ne sont-ils pas cités pour la forme, car ce qui [*73] importe, c’est que le groupe colonisateur s’identifie globalement aux européens, c’est-à-dire aux blancs et non plus aux seuls Français. Dans des contextes hiStoriques différents et toutes proportions gardées, nous assistons au même processus que celui observé au cours de la première colonisation esclavagiste. Ce processus transforme le contenu des catégories au-delà des rapports entre ces catégories. Les catégories libre/esclave donnaient naissance aux catégories blanc/noir, les catégories citoyen/sujet ou administré[188] donnent naissance aux catégories européen-blanc/noir.

Comme il apparaît nettement dans ses derniers développements réglementaires, la tendance à la fin de la Me République dans le droit colonial n’était pas la fusion, ou même simplement le rapprochement. Sous prétexte d’un assimilationnisme exigeant, on avait tracé une ligne de démarcation stricte entre populations. Dans une large mesure le système colonial avait approfondi sa logique dé gestion des populations en catégories différenciées en évitant au maximum les interférences. Sa crispation sur ces catégories n’avait pas suscité cette fluidité, soi-disant recherchée par l’idéal républicain universaliste, entre les populations. Si le système colonial va connaître un essoufflement, ce sera en dehors de la logique qu’il poursuit.

 

 

L’essoufflement : de la libération de la France à là décolonisation

 

La seconde guerre mondialÀexerce une influence tout à fait déterminante dans l’évolution du statut des colonisés. Non seulement elle avait stimulé le désir d’émancipation des peuples colonisés, mais encore l’Empire colonial français avait été un enjeu important dans le conflit, tant entre les puissances belligérantes qu’entre la France de Vichy et la France libre, et il était clair en 1944 qu’on ne pourrait pas revenir au statu quo ante. Dans son discours de Brazzaville du 30 janvier 1944 De Gaulle ne dit-il pas:

 

«Comme toujours, la guerre elle-même précipite l’évolution. D’abord, par le fait qu’elle fut, jusqu’à ce jour, pour une bonne part, une guerre africaine et que, du même coup, l’importance absolue et relative des ressources, des communications, des contingents d’Afrique, est apparue dans là lumiére crue des theatres d’opérations. Mais ensuite et surtout parce que cette guerre a pour enjeu ni plus ni moins que la condition de l’homme et que, sous l’action des forces psychiques qu’elle a partout déclenchées, chaque Individu lève la tête, regarde au-delà du jour et s’interroge sur son destin».

 

Le lien introduit par De Gaulle entre l’exploitation ééonontlqué (les ressources) [*74] et la condition des hommes révèle une ambigu¥té que l’avenir confirmera. S’agit-il de mettre un terme à la colonisation ou s’agit-il de la rendre moins exorbitante aux normes habituellement admises par notre droit? La constitution de la Ne République ne tranche pas entre l’émancipation des peuples colonisés et leur rattachement obligé à la France. Dans le préambule se dessine la première solution : «Fidèle à sa mission traditionnelle[189], la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires...»[190]. Mais la seconde solution y est aussi présente «La France forme avec les peuples d’outre-mer une Union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion»[191]. De la sorte le rattachement des peuples colonisés est présenté comme une réalité qui ne doit pas être discutée. Mais l’expression «égalité des droits» se trouve dans le texte. N’est-elle qu’illusion ? Seule l’analyse précise des textes l’instituant peut permettre de le savoir. Quoi qu’il en soit, le désir d’émancipation se prçpage dans l’outre-mer, rendant inévitable la décolonisation qui se produit massivement au. tout début des années 60. Cette décolonisation provoque nécessairement un changement de nationalité, puisque cette dernière est le signe tangible par lequel un pays détermine les ressortissants sur lesquels il exerce sa souveraineté. Accords suivant les indépendances et lois fixent un nouveau rapport entre les anciens colonisés et la nationalité française, révélant que les catégories du droit colonial n’ont toujours pas cessé d’exister, même au moment de la décolonisation.

 

 

1.            Nationalité et citoyenneté lors de la Libération de la France

 

A la fin de la guerre la France réexamine deux types de rapports, son rapport avec les étrangers, son rapport avec les colonisés. Malgré le rôle que les étrangers ont joué dans la Résistance, le climat général est assez xénophobe, on retient surtout des événements récents que la France a subi une douloureuse occupation étrangère. Si l’immigration étrangère reçoit quelques garanties sur le plan du droit, elle est surtout désormais soumise à une volonté de planification qui se traduit par un renforcement du contrôle adiiinistratif[192]. Quant au droit de la nationalité, il est révisé dans un sens restrictif. II intègre en plus un apport [*75] du droit colonial. La citoyenneté, outre-mer, cesse d’être ce «nirvatia» reserve à une élite qui s’était rapproché de la civilisation française, pour autant on peut douter qu’elle permette une égalité juridique effective.

La nationalité en 1945 rompt sur de nombreux points avec l’ouverture présente dans la loi de 1927. Il est hautement significatif que ds1e 1er juin 1944 paraissait au Journal officiel d’Alger une ordonnance qui affirmait:

 

«L’acte dit «loi du 16 juillet 1940» relative à la procedure de déchéance de la qualité de Français reçoit force d’ordonnance»[193].

 

Cet «acte dit loi» n’était autre que le fameux texte de Vichy autorisant à titre rétroactif la déchéance de nationalité. L’ordonnance du 19 octobre 1945 crée un Code de la nationalité, alors que la loi de 1927 avait seulement détaché les dispositions afférentes à la nationalité des articles du Code civil traitant de la jouissance des droits civils. Les dispositions imposées par la droite en 1927 concernant les incapacités des naturalisés sont conservées[194]. On en ajouté d’uttes, rendant soit l’acquisition de la nationalité français plus difficile, toit rénforçant davantage les droits de l’Etat face à ceux des individus dans cette acquisition. En effet selon la loi de 1927, l’enfant né en France de parents étrangers devenait Français, s’il était domicilié en France à sa majorité. dans l’ordonnance de 1945, it en plus résider en France depuis l’âge de seize ans[195]. Pour la naturalisàttoil, limé condition de résidence en France de trois ans (appelée stage) suffisait dans la lot de 1927, en 1945 cette condition est de cinq années de résidence[196]. L’êpouse étrangère acquiert automatiquement la nationalité française de son mari, alors qu’en 1927 il fallait qu’elle en fasse expressément la demande[197]. Ce qui constitue ùn recul des droits de la femme. Surtout ce code de la nationalité a puisé dans lé droit colonial sur deux points essentiels : intervention accrue du gouvernement poils refuser éven[*76]tuellement la nationalité en dehors de la procédure de naturalisation donc estimation par les services administratifs concernés pour savoir si un individu mérite ou non la nationalité française, et apparition de la notion d’assimilation dans le sens de conformité à la civilisation française. En effet, la loi de 1927 pour les jeunes nés en France de parents étrangers ne prévoyait qu’une seule impossibilité à l’acquisition de la nationalité qui pour le reste était automatique, celui de «l’individu contre lequel a été pris un arrêté d’expulsion doit les effets n’ont pas été suspendus»[198]. L’ordonnance de 1945 en revanche dans son article 46 précise :

 

«Au cours du môme délai (les six nois précédant la majorité), le Gouvernement peut, par décret, s’opposer l’acquisition de la nationalité française soit pour indignité ou pour défaut d’assimilation, soit pour grave incapacité physique ou mentale, après avis d’.ine commission médicale dont la composition et le fonctionnement seront fixés par décret»[199].

 

L’intervention du gouvernement n’est pas sans rappeler même si c’est ici pour un refus, la nécessité d’un décret dans l’accession des sujets à la citoyenneté.

Le défaut d’assimilation se retrou’ye dans l’article 69 relatif à la naturalisation :

 

«Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française».

 

L’article 16 du décret d’application de 2 novembre 1945 nous informe sur le contrôle de l’assimilation

 

«Le préfet donne immédiatement avis du dépôt de la demande au maire de la localité dans laquelle le postulant (cas de la naturalisation) a sa résidence. Ce dernier, dûment convoqué, comparait en personne devant le magistrat municipal qui constate dans un procès-verbal le degré de son assimilation aux moeurs et aux usages de la France et de sa connaissance de la langue française. Ce procès-verbal est adressé au préfet...»[200].

 

Dans la loi de 1927 on trouvait trace du loyalisme, critère d’accession à la citoyenneté en droit colonial, mais le hyaIisme est un critère général qui implicitement relevait déjà de l’enquête de moralité mentionnée dès la loi de 1889. Il n’en [*77] est pas de même de l’assimilation. Certes, avant la seconde guerre mondiale, l’assimilation était une des solutions préconisées dans le débat provoqué par l’immigration, ce n’était plus évidemment l’assimilation dans le sens rencontré au XIXe siècle (adhésion à la patrie, comme société transfigurée) mais l’assimilation aux moeurs françaises. II n’en reste pas moins que c’est la procédure venue du droit colonial qui sert de modèle, et que le droit colonial a été au minimum, le terrain d’expérimentation de l’assimilation pour ne pas dire de l’assimilationnisme.

Le droit colonial exorbitant au droit commun peut finir par exercer sur ce dernier une influence certaine, quoique le plus souvent diffuse ou occultée. II est intéressant de constater que l’assimilation est introduite dans le droit commun de la nationalité juste au moment où l’accession à la citoyenneté disparaît dans l’Empire colonial devenue l’outre-mer.

 

 

*

*    *

 

 

Avec ses colonies la France forme désormais l’Union française. La coantitution de la Ne République évoque le statut des colonisés. L’Union française est un édifice a deux étages, elle est formée «d’une part de la République française qui comprend la France métropolitaine, les départements et territoires d’outre-mer, d’autre part, des territoires et Etats associés»[201]. Elle comprend aussi deux qualités de citoyens : celle de citoyen de l’Union française reconnue à tous let nationaux français et aux ressortissants de l’Union française et celle de citoyen français. C’est cette dernière qualité qui est accordée à tous les ressortissants des territoires d’outre-mer au même titre que les nationaux français de la métropole ou des territoires d’outre-mer[202], Elle est la plus importante parce qu’elle est la source de l’égalité juridique au sein même de la République composée justement de la métropole et départements et territoires d’outre-mer. Rompant avec le câractère indissociable de la jouissance de l’état-civil français et les droits politiques, la constitution admet cette «naturalisation» dans le statut tant de fois proposée, elle le fait dans des termes nullement équivoques:

 

«Les citoyens qui n’ont pas le statut civil français conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé. Ce statut ne peut en aucun cas constituer un motif pour refuser ou limiter les droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français»[203]. [*78]

 

Ce triomphe tardif de l’égalité juridique contenue dans la même citoyenneté est, dans une large mesure, une apparence. La constitution elle-même avait émis une réserve : «Des lois particulières établiront les conditions dans lesquelles, ils exercent leurs droits de citoyens»[204]. L’Algérie est tout à fait représentative des réserves grevant la citoyenneté- L’ordonnance du 7 mars l944, révèle une grande prudence à ce sujet. Si son articler 1er affirme :

 

«Les Français musulmans d’Algérie jouissent de tous les droits et sont soumis à tous les devoirs des Français non musulmans»

 

L’article 2 prévoit le maintien du statut personnel pour

 

«Les Français musulmans qui n’ont pas expressément déclaré leur volonté d’être placés sous l’empire intégral de la loi française».

 

Puis on distingue les quelques musulmans qui «sont déclarés citoyens Français à titre personnel et inscrits sur 1s mêmes listes électorales que les citoyens non musulmans et participent aux mêmes scrutins» pour diverses raisons[205] de autres Français musulmans qui sont seulement «appelés à recevoir la citoyenneté française»[206]. La loi Lamine Gueye reconnaît le 17 mai 1946 la citoyenneté française à tous les Français, mais le statut de 1947 révèle les limites de cette citoyenneté partagée en organisant deux collèges électoraux aussi bien pour l’Assemblée algérienne que pour l’Assemblée nationale. Ces collèges désignent des représentants à parité, mais pour des populations sensiblement différentes, les musillimans étant neuf fois plus nombreux que les autres[207].

L’extension de la citoyenneté dans le monde colonial français reste formelle sans être la source d’une véritable égalité juridique. Les dispositions relatives au droit de la nationalité outre-mer l démontrent clairement.

Le code de la nationalité dt 1945, promulgué il est vrai avant la constitution de la IVe République, fait une distinction assez nette entre la France et les colonies. Son article 6 precise : [*79]

 

«Au sens du présent code, l’expression en France s’entend du territoire métropolitain, de l’Algérie, de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion».

 

L’article 7 marque la distinction en des termes encore plus rigoureux

 

«A l’exception des colonies (départements) qui sont désignées à l’article précédent, l’expression aux colonies s’entend, au sens du présent code, des territoires relevant du ministère des colonies (chargé des territoires d’outre-mer»

 

La spécificité du droit de la nationalité outre-mer est affirmée dans l’article 10 qui y maintient les dispositions particulières[208], Ce n’est qu’en 1953 qu’un décret fixe les conditions d’attribution de la nationalité outre-mer, comme pour la loi de 1889, il a fallu attendre près de huit ans pour voir publier le texte d’appllcatloxt outre-mer de l’ordonnance de 1945. Cc décret enregistre les changements introduits par le Code de la nationalité en 1945 et par la création en 1946 de l’Union française. Il est applicable à toute l’outre-mer sauf à l’Indochine qui à accédé à la souveraineté internationale en 1949. II constitue incontestablement un effort d’harmonisation entre la France métropolitaine et l’outre-mer, mais certaines différences existent. Ainsi le droit du sol n’est pas applicable à certains territoires, généralement céux auxquels il ne l’était pas déjà avant : Madagascar t dépendances, Comores, Nouvelle-Calédonie, établissements français de l’Océanie, Sauf si l’un des parents a la nationalité française ou la citoyenneté de l’Union française[209]. En procédant de la sorte, de peur d’accorder la nationalité française aux étrangers assimiles aux indigènes, le pouvoir réglementaire fixe bien la différence entré la métropole et certains territoires. Aujourd’hui cette limitation du droit du sol existe encore à Mayotte et aux îles Walls et Futuna[210]. Le droit coutumier, en matière d’établissement de la filiation, est placé sur un plan d’égalité avec le droit français, mais il est clair que la soumission au droit local ou coutumier reste un critère fondamental de distinction des populations dont la gestion reste différenciée[211]. [*80] décret règle le sort des anciens assimilés aux indigènes, ils peuvent devenir Français terme d’une procédure d’acquisition sans perdre leur statut civil particulier. Mais le gouvernement dispose du délai d’un an pour s’opposer éventuellement à cette acquisition[212]. La spécificité coloniale a été largement atténuée mais n’a été supprine. La décolonisation paradoxalement le confirme.

 

 

2.            Le droit de la nationalité face à la décolonisation

 

La décolonisation est intéressante à un double titre. Le droit de la nationalité qu’elle suscite est à la fois un regard porté par la France sur ses relations sées avec les peuples colonisés, et un regard porté sur l’immigration étrangère qui aujourd’hui provient, pour une bonne partie, de l’ancien Empire colonial.

La nationalité ne peut être qu’au centre d’un processus de décolonisation dont elle est la marque juridique la plus visible, des populations qui avaient la nationalité de la puissance colonisatrice vont acquérir une nationalité propre. Les liens entre ces populations et l’ancienne puissance colonisatrice ne peuvent disparaître in coup et le droit de la nationalité enregistre cette transition nécessaire. Les accords conclus lors des indépendances, les lois que ces dernières ont provoquées caractérisent par leur diversité. Cette diversité résulte de l’imbrication plus ou moins poussée des pays colonisés à la France et des circonstances de l’indépennce.

Les nouveaux ressortissants des pays accédant à l’indépendance en 1960 sont pas régis par des accords bilatéraux, pour ce qui est de leur rapport à la tionalité française, mais par la loi du 28 juillet 1960[213] qui ajoute un titre VII Code de la nationalité «De la reconnaissance de la nationalité française». Cette loi modifie la règle contenue dans l’article 13 de Code de la nationalité de 1945 :

 

«Les personnes domiciliées dans les territoires cédés perdent la nationalité française, à moins qu’elles n’établissent effectivement à leur domicile hors de ces territoires».

 

Cet article faisait du domicile le critère d’attribution de la nationalité. La loi du 5 juillet 1960 introduit, en plus du domicile, un critère d’origine qui dispense toute formalité

 

«Les dispositions de l’aliéna précédent (article 13) ne s’appliquent pas aux personnes qui sont ou étaient domiciliés, à la date d’entrée en vigueur d’un traité portant cession de territoire ou de l’accession à l’indépendance, dans [*81] un territoire qui avait le statut de territoire d’outre-mer de la République française à la date du 31 décembre 1946. Ces personnes sont réglés par les dispositions du titre VII du présent Code, à moins qu’elles ne soient originaires, conjoints, veufs ou veuves d’originaire du territoire de la république française, tel qu’il est constitué à la date de promulgation de la loi no 60.752 du 28 juillet 1960, ainsi que leurs descendants, auquel cas elles sont dispensées de toute formalité»[214].

 

Ceux qui ne peuvent se prévaloir de ce critère d’origine doivent se faire reconnaître lnationalité française par déclaration reçue par le juge competent du lieu de leur domicile[215]. Mais le gouvernement peut s’opposer à cette reconnaissance dans certaines conditions:

 

«Dans les formes et délais prévus à l’article 57 et pour les motifs indiqués audit article (indignité, défaut d’assimilation, grave infirmité physique ou mentale), le Gouvernement peut t’opposer à la reconnaissance de la nationalité française, conformément à l’article 57, ou à la reconnaissance de cette nationalité, conformément aux dispositions de l’alinéa précédent, il est statué par décret pris après avis conforme du Conseil d’Etat».[216]

 

L’accession aux droits de citoyen telle qu’elle avait précédemment existé, et la renonciation au statut de droit local en vertu des articles 82 de la Constitution de 1946 et 75 de celle de 1958[217], ne conservent pas à leurs bénéficiaires la nationalité française de plein droit. En revanche, la reconnaissance de la qualité de citoyen parce que né de parents inconnus dont l’un est présumé d’origine française ou de souche européenne permet de conserver de plein droit cette nationalité[218]. Cette différenciation donne une idée du bilan que la France dresse de ce qu’a été sous la colonisation, la citoyenneté — elle néglige ici la francisation juridique pour retenir un aspect biologique. D’autres textes se sont référés à la distinction statut de droit français/statut de droit personnel ou local, ainsi pour l’Algérie elle est le pivot de l’ordonnance sur la nationalité du 21 juillet 1962, faisant suite aux accords d’Evian :

 

«Les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l’annonce officielle des résultats du scrutin d’autodtérmination [*82] conservent la nationalité française quelle que soit leur situation à l’égard de la nationalité algérienne[219].[»]

 

Quant aux personnes de statut civil de droit local originaires d’Algérie et leurs enfants, elles peuvent, en France, se voir reconnaître la nationalité française, par déclaration avec faculté d’opposition de la part du Gouvernement dans les conditions déjà exposées pour la loi du 28 juillet 1960[220]. Lors de l’indépendance des Comores (à l’exception de Mayotte maintenue au sein de la République française) on retrouve cette distinction statut de droit français/statut de droit local, la loi du 3 juillet 1975 reprend, quasiment aux termes près le texte de la loi du 21juillet 1962[221]. Les catégories juridiques instituées durant la période coloniale exercent encore une influence au moment de la décolonisation, la France les utilisant pour reconnaître les «siens» une fois terminée son aventure outre-mer.

Au début des années 70, alors que la plupart des pays colonisés par la France sont devenus indépendants, depuis une dizaine d’années, on se rend compte qu’une mise en ordre concernant la nationalité est nécessaire. La loi du 9 anvier 1973 manifeste la volonté évidente de la France de maintenir des liens avec les ressortissants de pays de son ancien Empire. Elle veut montrer aux anciens colonisés qu’ils sont toujours au seuil de la nationalité française et que l’ensemble français reste une réalité, même sans Empire, Union française ou Communauté- En conéquence, la loi établit pour ceux qui viennent des anciens territoires d’outre-mer et qui sont domiciliés en France une procédure de réintégration par déclaration. Cette autorisation n’est possible qu’après autorisation du ministre chargé des naturalisations[222].

Elle considère qu’est Français l’enfant né en France d’un parent né sur un territoire qui avait au moment de la naissance de ce parent, le statut de colonie ou de territoire d’outre-mer de la République française. Cette reconnaissancè du double droit du sol, dans ce cas, est d’autant plus surprenante que certaines colonies ou territoires d’outre-mer n’en avaient pas bénéficié du temps de la domination française[223]. Ce qu’elle ne jugeait pas être pleinement un sol français, comparable au [*83] sol métropolitain durant la colonisation est maintenant, dans l’histoire, la France même. Cette disposition fait actuellement l’objet d’un débat, dans le cadre d’une réforme du droit de la nationalisation, ne faudrait-il pas la supprimer. C’est ce que proposait le projet de loi Chalandon[224] c’est aussi ce que propose, de façon différée, la Commission des sages[225]. Pourquoi ce revirement ?

L’immigré originaire de pays anciennement colonisés par la France est devenu la figure principale de l’étranger, tout le débat suscité autour de l’inunlgration et de la réforme du Code de la nationalité l’a pris largement pour cible. II représenterait une menace pour la communauté nationale et les dispositions sur la nationalité trop généreuses le concernant devraient être abrogées. Longtemps l’étranger et le colonisé ont constitué deux catégories clairement distinctes en droit français, qui se sont définies de façon antagonique, le colonisé ne pouvait être un étranger, seulement un Français de condition inférieure. Aujourd’hui l’ex-colonise devenu immigré est d’autant plus étranger qu’il a été un Français de condition inférieure. Des immigrés et des jeunes issus de l’immigration revendiquent l’égalité des droits dans tous les domaines, reprenant un combat mûri durant la colonisation et qui n’a toujours pas perdu sa raison d’être.

 

 

* * *



[1] Catherine de Wenden écrit dans Citoyenneté, Nationalité et immigration, Arcantère, Paris, 1987, pp. 46-47 «Aujourd’hui, ne serait-il pas possible d’ête citoyen d’un pays sans en être le national ? La colonisation française a bien créé des cas inverses où l’on pouvait être national sans être citoyen français ?...».

[2] Suzanne Citron dans Le mythe national, Ed. Ouvrière, Paris, 1987, montre avec pertinence le lien dans le mythe national entre l’enracinement dans l’histoire et l’idéal de la revolution qui légitime cet enracinement. Elle écrit notamment, p. 277 «l’historiographie enregistre cette mutation sans se modifier elle demeure l’histoire des rois, de I’Etat, elle devient celle de la nation par le subterfuge des gaulois, ancétres du «peuple»... fondement de l’identité nationale. La Révolution, en outre, confère une valeur transcendentale à cette identité».

[3] L’article 27 de la constitution du 14 janvier 1882 confie au Sénat le soin de régler par un sénatus-consulte la constitution des colonies et de l’Algérie. Plusieurs sénatus-consultes traiteront de l’Algérie.

[4] Le terme Empire n’a pas de valeur constitutionneIl. Le projet de constitution de Pétain contenait un titre VI: «Le gouvernement de l’Empire».

[5] Pour les évaluation concernant le commerce international à la fin de l’Ancien Régime, cf. P. Léon : Economies et sociétés préindustrielles, t. II, A. Colin, 1970.

[6] II n’est qu’à considérer tous les écrits du milieu du XIXe siècle abordant la question de la colonisation de l’Algérie et les tâtonnements, montrant la difficulté d’une entreprise nouvelle où l’expérience fait défaut.

[7] Dominique Thouvenin, dans un article intitulé «L’esclavage et les idéaux de la Révolution française», in Milieux, no 27, Le Creusot, 1987, p. 30-29, montre le choc provoqué par la Révolution sur l’esclavage des colonies.

[8] Louis Sala-Molins, Le Code Noir ou le calvaire de Canaan, PUF, Paris, 1987. L’ouvrage contient non seulement la réédition du Code Noir malt aussi un commentaire et, un développement sur le Code Noir à la lumière des préjugés et un développement sur le Code Noir à l’ombre des lumières.

[9] Pour les opposer aux étrangers, les sujets 4u roi étaient aussi appelés citoyens dans certains textes juridiques.

[10] Colette Jandôt-Danjou, La condition civile des étrangers dans les trois derniers siècles de la monarchie, thèse. Faculté de droit de Paris, 1939, écrit, p. 9-10 «Le premier (épave) vient du latin expavefacta, qui désigne des animaux effarouchés, égarés, et dont on ne connaissait pas l’origine. Celle du mot «aubain» est plus incertaine. Doit-on la rechercher dans le bas latin alibi natus, né ailleurs, ou bien vient-il d’ahbanus, écossais... Ces deux mots n’avaient du reste, pas exactement le même sens. Bacquet... cite un ancien extrait dc la Chambre des comptes qui nous en indique la différence : «Epas’es sont hommes et femmes nés en dehors le royaume de si lointains lieux que l’on n’en peut avoir connaissance... Aubains sont hommes et femmes nés en ville dehors le royaume si prochain que l’on peut connaître les noms et nativités».

[11] Le Code Noir, réed. 1987, p. 126.

[12] Idem, p. 142 : «Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres selon que nous lavons ordonne par ces présentes pourront en donner l’avis à notre procureur général et !mettre les mémoires entre ses mains, sur lesquels et même d’office, si les avis lui en viennent d’ailleurs, les maîtres seront poursuivis à sa requête et sans frais, ce que nous voulons être observé pour les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves».

[13] Idem, p. 90

[14] Idem, Louis Sala-Molins évoque ce point longuement dans un développement intitulé les mirages de la liberté, la «loi du retour», p. 212-221.

[15] Idem, p. 196.

[16] Le Code Noir B, destiné à la Louisiane (1724) énumère des incapacités, idem, p. 197 : «Déclarons cependant lesdits affranchis, ensemble le nègre libre, incapables de recevoir des Blancs aucune donation entre vifs, à cause de mort ou autrement. Voulons qu’en cas qu’il leur en soit fait aucune, elle demeure nulle à leur égard, et soit appliquée au profit de 1’hôpital le plus prochain».

En 1741, ils sont autorisés à disposer de leurs biens quand ils n’ont pas d’enfants, idem, p. 197.

[17] C. Jandot-Danjou, op. cit., p^. 39 et sq.

[18] Idem, p. 48 et sq.

[19] Arrêt du 27 octobre 1910, cité par Auguste-Raynald Werner, La réglementation de la nationalité dans le droit colonial français (thèse-Genève), Toulouse, 1936, p. 45.

[20] Op. cit., p. 151.

[21] Idem, p. 213, note 4.

[22] Idem, p. 16.

[23] Qu’est-ce que le Tiers-Etat_, rééd. PUF, 1982, p. 44.

[24] Idem, p. 88.

[25] Ainsi l’article 11 : «La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire...». L’article 12 «La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique...».

[26] Ministère de la Justice, La nationalité française, textes et documents, La Documentation française, 1986, p. 53.

[27] Idem.

[28] La Constituante procéda en deux temps, d’abord en 1790 elle accorda les droits de citoyens aux juifs de Bayonne, Bordeaux et d’Avignon, dans un second temps aux juifs de l’est de 27 septembre 1791.

[29] C. Bruschi, Questions de nationalité (sous la direction de S. Laacher), l’Harmattan, 1987, p. 25-26.

[30] Intervention à l’Assemblée nationale du 24 septembre 1791, Textes choisis, ed. sociales 9 4, 1, p. 88 «Mais qu’est-ce donc, surtout dans les colonies, que les droits civils qu’on leur I e, sans les droits politiques? Qu’est-ce qu’un homme privé des droits de citoyen actif dans les colonies, sous la domination des blancs?».

[31] Bonnemain fait référence à l’article 57 du Code Noir.

[32] Cité par L. Sala-Molins, op. cit., p. 265-266.

[33] Comme le manifeste L. Sala-Molins, op. cit., p. 265 et sq.

[34] Danton, Les grands orateurs républicains, T. IV, 1949, p. 277.

[35] Constitution de 1791, titre II, article 3;

  Constitution de 93, article 4 ;

  Constitution de 1795, article 10.

[36] Article 3 : «Un étranger devient citoyen français, lorsqu’après avoir atteint l’âge de 21 ans accomplis et avoir déclaré l’intention de se fixer en France, il y a résidé pendant dix années consécutives».

[37] Article 7 du Code Napoléon.

[38] Napoleon au Conseil d’Etat, Locré, T. II, p. 35 «11 ne peut y avoir que de l’avantage à étendre ’l empire des lois française. Les fils d’étrangers qui se sont établis en France ont l’esprit français, les habitudes françaises ils ont l’attachement que chacun porte naturellement au pays qui l’a vu naitre».

[39] Article 9 du Code Napoléon.

[40] B. Constajnt, De l’esprit de conquête et d’usurpation, I, 7 et 8. De la liberté des anciens compare à celle des modernes. (Discours prononcé à l’Athénée royal en 1819).

[41] Ministère de la Justice, op. cit., p. 56.

[42] L. Sala-Molins, op. cit., p. 56.

[43] Idem, p. 221.

[44] Idem.

[45] Dans le cas où on n’applique pas le Code civil et où une exception n’st pas expressément formulée. Sur les établiseements français de l’Inde, cf. A.R. Werner, op. cit., p. 111.

[46] Idem, p. 144,

[47] Ce décret fixe le statut des Français dans certains pays dominés par la France qu’ils peuvent servir à la condition d’y être autorisés par l’empereur. Ce décret se trouve dans Ministère de la Justice, op. cit., p. 57,

[48] Le texte de la loi est dans Ministère de la Justice, op. cit., p. 58-59.

[49] Article 11 de la Charte de 1814 : «Toutes recherches et des opinions et votes émis jusqu’à la Restauration sont interdites. Le même oubli est commandé aux tribunaux et aux citoyens».

[50] Article 1er de la loi du 14 octobre 1814 : «... Ils obtiendront à cet effet, de Nous, des lettres de déclaration de naturalité et pourront jouir, dès ce moment, des droits de citoyens Français...».

[51] Ainsi Jean-Michel Belorgey, dans Questions de nationalité, p. 67.

[52] Werner, op. cit., p. 21.

[53] Idem, p. 125 et sq.

[54] Pour les quatre communes de plein exercice du Sénégal, la loi du 29 septembre 1916 reconnaît la citoyenneté de leurs natifs, y compris à titre rétroactif, validant de la sorte l’application de la loi de 1833 : «Les natifs des quatre communes de plein exercice du Sénégal et leurs descendants sont et demeurent citoyens français, soumis aux obligations militaires prévues par la loi du 19 octobre 1915».

[55] L. Sala-Molins, op. cit., p. 276

[56] «Le gouvernement provisoire, considérant que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; qu’en détruisant le libre arbitre de l’homme, il supprime le principe naturel du droit et du devoir ; qu’il est une violation flagrante du dogme républicain «liberté-égalité-fraternité...) l’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises...».

[57] Cf. infra un décret du 5 avril 1848 avait accordé aux indigènes des établissements français de l’Inde le droit électoral français, sans qu’ils aient à renoncer à leur statut personnel. Des pratiques administratives ont empêché l’application de ce décret.

[58] Esclaves et colonisés sont privés de certains droits et sont en position d’infériorité face à un groupe qui est en position de supériorité. On peut aussi rapprocher esclavage et travail forcé dans les colonies, mais le travail forcé s’apparente davantage au système de la corvée.

[59] Esclaves et colonisés sont privés de certains droits, et sont en position d’infériorité face à un groupe qui est en position de supériorité. On peut aussi rapprocher esclavage et travail forcé dans les colonies, mais le travail forcé s’apparente d’avantage au système de la corvée.

[60] Décret du 28 mars 1848 in Ministère de la Justice, op. cit., p. 59.

[61] Loi du 31 mai 1850.

[62] Loi des 13, 21 novembre, 3 décembre 1849 in Ministère de la Justice, op. cit., p. 59-60, la loi ne mentionne pas, même pour la forme, le ternie de citoyen : «Le président de la République statuera sur les demandes de naturalisation. La naturalisation ne pourra être accordée qu’après enquête faite par le gouvernement relativement à la moralité de l’étranger, et sur l’avis du Conseil d’Etat. L’étranger devra en outre réunir les deux conditions suivantes 11Ú4 d’avoir atteint l’âge de 21 ans accomplis obtenu l’autorisation d’établir son domicile en France, conformément à l’article 13 du code civil, 20 d’avoir résidé pendant dix ans en France depuis cette autorisation.

L’étranger ne jouira du droit d’éligibilité à l’Assemblée Nationale qu’en vertu d’une loi».

[63] Articles 7 et 8 de la loi. Jusqu’à cette loi, l’expulsion était possible surla base d’une loi du 28 vendémiaire an VI, article 7, mais cette loi ne prévoyait pas d’infraction en cas de non respect de décision d’expulsion, ce qui la rendait peu efficace. Au début de la monarchie de juillet, le gouvernement, pour lutter contre l’afflux de réfugiés polonais, fit adopter des lois de portée temporaire comprenant infraction à décision d’expulsion. La loi dc 1849 établit durablement cette infraction.

[64] Au titre de l’article 13 du code civil.

[65] Après le coup d’Etat du 2 décembre 1851, ily eut 980 décisions d’expulsion concernant des Français opposants au nouveau régime, mais ce fut une mesure tout à fait exceptionnelle.

[66] Loi des 22, 29 janvier, 7 février 1851, Ministère de la Justice, op. cit., p. 60 «Est Fethiçais tout individu né en France d’un étranger qui lui-même y est né, à moins que, dans l’année qui suivra l’époque de sa majorité, telle qu’elle est fixée par la loi française, il ne réclame la qualité d’étranger par une déclaration...».

[67] Werner, opo. cit. p. 112.

[68] Le moniteur universel, 12 octobre 1852.

[69] Le maréchal de Bourmont après la prise d’Alger s’était engagé «à ne porter aucune atteinte à la liberté des habitants de toutes classes et à leur religion».

[70] Werner, op. cit., p. 146.

[71] Lettre publique au gouverneur Pélissier du 6 février 1863.

[72] Cour d’Alger, 24 février 1862, cf. Werner, op. cit., p. 144.

[73] La constitution de 1852 prévoit la compétence du Sénat (article 27). Le texte du sénatus-consulte se trouve dans le Ministère de la Justice, op.  cit., p. 192.

[74] Ministère de la justice, op. cit., p. 192,

[75] Ministère de la justice, op. cit., p. 60.

[76] L’autorsation à domicile qui permettait aux étrangers de jouir des mêmes droits-que les Français découlait d’une décision du pouvoir exécutif.

[77] Ministère de la justice, op. cit., p. 60.

[78] Prévost-Paradol, La France nouvelle, Livre III, p. 3, Paris 1869.

[79] Décret du 24 octobre 1870, Ministère de la Justice, op. cit., p. 192.

[80] Ces juifs étaient peu nombreux, tant la francisation juridique avait été réussie auprès de la population juive.

[81] Il y eut des soulèvements plus ou moins en rapport avec le décret, notamment celui de Sidi-Mokrani.

[82] Sept ans, puisque la proposition de loi initiale, il est vrai, limitée à la naturalisation, avait été déposée en 1882.

[83] Ministère de la Justice, op. cit., p. 216.

[84] Article 6 du décret.

[85] Pour la naturalisation, les étrangers sont tout simplement renvoyés à l’article 2 organisant la procédure d’accession à la citoyenneté.

[86] Ministère de la Justice, op. cit., p. 217. Article 1er : «Peuvent après l’âge de 21 ans accomplis être admis à jouir des droits de citoyen français : 11Ú4 l’étranger qui justifie de trois années de résidence, soit en Annam ou au Tonkin, soit en Cochinchine, et en dernier lieu, en Annam ou au Tonkin ; 21Ú4 L’indigène annamite ou tonkinois qui, pendant trois ans, aura servi la France soit dans ses armées de terre ou de mer, soit dans les fonctions ou emplois civils rétribués par le Trésor français.

[87] Ministère de la Justice, op. cit., p. 236.

[88] Décret du 18 août 1868 qui dispose dans son article 3 : «en matière civile et commerciale, en matière de simple police, de plice correctionnelle et en matière criminelle, les tribunaux des établiseements français de l’Océanie, et des Etats du protectorat appliquent la loi française sou (sic) la réserve des dispositions contenues dans le présent décret», cf,. Werner, op. cit., p. 180.

[89] Le rapport Godin, cf. Werner, op. cit., p. 181.

[90] Article 1er du décret du 21 septembre 1881 : «Par cette renonciation qui sera définitive et irrévocable, ils (les indigènes des Etablissements français de l’Inde) sont régis ainsi que leurs femmes et l;eurs enfants mineurs par les lois civiles et politiques applicables aux Français dans la colonie», cf. Werner, op. cit., p. 115.

[91] En 1851, 380 000 étrangers, en 1881, 1 120 000.

[92] Proposition de Castelin et de plusieurs autres députés.

[93] C. Bruschi, Questions de nationalité, p. 44.

[94] Décret du 2 octobre 1888,

  Loi du 8 août 1893,

  Circulaires du 2 septembre et 24 octobre 1893.

[95] Loi du 16 décembre 1874,

  Loi du 14 février 1882.

[96] V. Grec, Des modes d’acquisition de qualité de Français, Thèse, Paris, 1898, écrit p. 7-8 : «Cette expres- «la nationalité» est certainement défectueuse (les Allemands ont un escellent terme pour désigner ce qe nous enteilthms par nationalité, cest celui de Staatsanegehorig keit — fit d’appartenir à un Etat)). En effet si une personne possède une nationalité, ce n’est pas parce qu’elle fait partie d’une nation, mais bien parce qu’elle dépend d’un Etat... La nationalité doit, contrairement à son étynl0b03e éveiller non pas une idée morale, mias une idée politique, celle d’une souveraineté exercée par un Etat sur des personnes».

[97] Ministère de la Justice, op. cit., p. 62-64. L’article 7 du Code civil modifié par la loi n’évoque plus la citoyenneteé que mentionnait le code Napoléon :

  Article 7 du Code Napoléon : L’exercice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s’acquiert et ne se copncerve que conformément à la loi constitutionnelles».

  Nouvel article 7 : «L’exercice des droits civils est indépendant de l’exercice des droits politiques, lesquels s’acquieèrent et se conservent confrmément aux lois constitutionnelles et électorales».

[98] Article 3 de la loi.

[99] L’article 8 du Code civil modifié par la loi reprend l’article 8 initial du Code Napoléon «Tout français jouira des droits civils» et énumère tous les modes par lesquels on maît ou on devient français, sans évoquer les indigènes des colonies.

[100] Article 8 du Code civil modifié.

[101] Article 8 du Code civil modifié, 41Ú4 : «Tout individu né en France d’un étarnger (sic) et qui, à l’époque de s amajorité, est domicilié en France, à moins que, dans l’année qui suit sa majorité... il n’ait décliné la qualité de français...»

[102] Article 9 du Code civil modifié.

[103] Article 5 de la loi 11Ú4.

[104] La loi de 1893 privilégie le mode d’acquisition patrilinéaire, article 1er «Tout Individu né en France de parents étrangers dont l’un y est lui-même né, sauf la faculté pour lui, si c’est la mère qui est née en France, de décliner dans l’année qui suivra sa majorité la qualité de français...».

  La loi se trouve dans Ministère de la Justice, op. cit., p. 64-65.

[105] Article 3 de la loi «L’enregistrement pourra être refusé pour cause d’indignité, au déclarant qui réunirati toutes les conditions légales mais dans ce cas, il devra être statué, le déarant dûment avisé, par décret rendu sur l’avis conforme du Conseil d’Etat...».

[106] Un juriste de l’époque, spécialiste de la nationalité, a parfaitement exprimé cette idée : «Les rapports sociaux sont une nécessité de la vie de relations et c’est dans la nationlaité qu’ils trouvent leur forme et leur règlementation naturelle»m Weissm Rapport sur les conflits de lois en matière de nationalité, dans Annuaire de l’institut de droit international, 1894-1895.

[107] Article 2 de la loi.

[108] V. Grec, op. cit., p. 356 : «Ce règlement, élaboré par une commission extraparlementaire et soumis à l’examen du Conseil d’Etat (séances des 23 avril et 11 juin 1896), a vu le jour le 7 février 1897, c’est-à-dire après un délai de huit ans depuis la promulgation de la loi de 1889 !»

[109] Ainsi Glard, De l’acquisition et de la perte de la nationalité française, 1893, p. 74, Rouard de Card, La nationalité française, 1893, p. 63 pour l’application du droit du sol dans les colonies.

[110] V. Grec, op. cit.. p. 356-357 : «En mefrie temps qu’il a l’avantage de donner à nos colonies une législation uniforme, il a celui de mettre en queliue harmonie entre les textes relatifs à la nationalité coloniale et ceux qui sont aujourd’hui envisagés en France. Malheureusement, il a consommé sous certains rapports une scission profonde entre la législation des colonies et celle de la métropole.

[111] Article 17 du décret. Ministère de la Justice, op. cit., p. 157-160.

[112] L’article 8 du Code civil applicable aux colonies, d’après le décret, ne comporte que trois catégories de Français

«11Ú4 Tout individu ne d’un Français en France, aux colonies ou à l’étranger

« 21Ú4 Tout individu né aux colonies de parents inconnus ou dont la nationalité est inconnue

«31Ú4 Les étrangers naturalisés...».

[113] A l’exception de la femme étrangère qui épouse un Français (article 12). Les articles 9 et 10 diffèrent des mêmes articles applicables à la métropole qui eux prévoient l’acquisition par déclaration, ils affirment : «Tout individu né aux colonies, d’un étranger, et qui y réside, peut, sur sa demande, formée dans l’année de sa majorité, être sans autres conditIons, naturalisé par décret «et» Tout individu né en France, aux colonies ou à l’étranger de parents dont l’un a perdu la qualité de Français et qui réside aux colonies, peut à tout Igre être naturalisé par décret».

[114] Trois années de résidence au lieu de dix années en métropole, article 8 modifié du Code civil. 3°.

[115] Bien qu’il soit entré en application, à des dates différées pour certaines colonies, ainsi le 3 février 1912 pour la côte française des Somalis et le 9 mai 1914 pour le Tonkin, l’annam et le Cambodge.

[116] Werner, op.cit., p. 9 : «Si, après une expérience coloniale s’est enfin affranchi du mythe de l’assimilation des indigènes, ce n’est pas sans avoir conservé de nombreuses situations acquises à sa faveur, ni sans avoir dégagé les principes généraux qui régissent la nationalité française (tans les colonies)».

[117] Principalement les textes d’application dc la loi de 1927 et des lois de 1934, 1936, et du décret-loi de 1938 relatifs à la nationalisation et à la situation des étrangers.

[118] Werner, op. cit., p. 17 «Nous entendons ici, par opposition aux seuls nationaux français, citoyens ou non, sous le nom de ressortissants Français, tous ceux qui Français ou non, sont nécessairement sous l’emprise des lois et des autorités françaises».

[119] Rome avait déjà connu, pour certains territoires conquis cette appartenance à deux étages, la civitas et la civitas sine suffraglo, cf. M. Humbert, Municipium et clvitas sine suffragio, Ecole française de Rome, 1978.

[120] Dans les textes on passe de l’appellation de Français (Cochinchine - 1881) à l’appellation de sujet Français (décret du 26 mai 1913 déterminant les conditions dans lesquelles les indigènes de l’Indochine sujets ou protégés peuvent obtenir la qualité de Français.

[121] Ainsi is loi de 1919 pour l’A1émie, tout en organisant pour ceux qui remplissent les conditions et qui le désirent l’accession a la citoyenneté, prévoit dans son titre Il les modalités de représentation aux assemblées locales pour les indigènes algériens non-citoyens.

[122] Op. cit., p. 44.

[123] Article 1er «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits».

[124] Ce qui traduit fort bien cette obligation de soumission est l’attachement même à la nationalité française, un sujet ne pouvait pas acquérir une autre nationalité sans autorisation expresse des autorités franlaiSe. Décret du 25 novembre 1913 (Ministère de la Justice, op. cit., p. 209) : «Dans les poessions françaises autres que l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, les indigènes sujets ou protégés lraflçaiS (en ce qui concerne les protectorats français d’Extrême-Orient la condition de pxotété s’était rapprochée de celle de sujet) ne peuvent perdre cette qualité par l’acquisition d’une siationalite étrangère qu’avec l’autorisation du Gouvernement français. Toute autorisation obttnue saris cette autorisation est nulle et non avenue. Cette autorisation est donnée par décret...»

[125] La loi sur le recru tenlent du 15 juillet 1889, titre VI, article 81, décide «Les dispositions de la présente loi sons applicables dans les colonies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de la Réunlion. Elles sont également applicables en Algérie et dans toutes les colonies non désignées au paAgraphe precedent, mais sous les réserves suivantes...».

126.

[126] Sur le travail forgé, on peut se référer à ce qu’écrit A. Gide dans Voyage au Congo, Paris, 1927 et Retour du Tchad, Paris, 1928.

[127] Prévalait une conception très restrictive des libertés publiques, ainsi pour la liberté syndicale, quelques tentatives de reconnaissance en 1920, mais en 1937 si la constitution des syndicats est autorisée, elle ent réservée aux seuls titulaires du certificat d’études.

[128] Werner, op. cit., p 42.

[129] 129

[130] Annales maritimes, n1Ú4 130, d’octobre 1912.

[131] Ainsi le décret du 25 février 1939 concernant la Côte française des Somalis, Ministère de la Justice, op. cit., p. 214. Article 1er : «Sont également sujets français, s’ils réclament cette qualité, les individus soumis à un statut indigène : 11Ú4 titulaires de la carte d’ancien combattant français ou qui auront accopmpli au moins trois ans de service militaire dans les ramées (sic) de terre, de mer ou de l’air ; 21Ú4 ayant servi dans les cadres de l’Administration de la milice ou des pelotons méharistes pendant 5 ans au moins sans interruption, 31Ú4 qui, domiciliés à la Côt française des Somalis avec leur famille ont navitué dix ans au moins à bord de bâtiments français, 41Ú4 domiciliés à la Côte française des Somalis avec leur famille depuis dix ans au moins et ayant acquis une situation notable attestant le caractère définitif de leur établissement.

Dans les quatre cas énumérés ci-dessus, la qualité de sujet Français est consratée par une décision du Gouverneur, après une enquête...».

[132] Ce caractère irréversible de la citoyenneté, liée à la renconciation au statut personnel, a pu parfois produiare des effets surprenants, ainsi dans les Etablissemens français de l’Inde le comité consultatif de jurisprudence indigène a indiqué dansd un avis du 9 janvier 1887 qu’un hindou renonçant et donc citoyen ne peut plus participer aux assemblées de sa caste, la hiérachie en castes étant contraire à la loi française fondée sur le principe de l’égalité sociale, Werner, op. cit., p. 117.

[133] Loi du 18 juillet 1925 autorisant la naturalisation des anciens protétés de Turquie, loi du 18 mars 1931 autorisant la nautralisation d’anciens protégés Français, loi du 3 février 1939 autorisant la naturalisation des protégés et anciens protégés Français.

[134] En ce qui concerne les Tunisiens, on peut lire ceci dans un ouvrage de 1910, D. Gaudrani, P. Thiancourt, G. Alapetite, La Tunisie, législation, gouvernement, administration, Paris, p. 193 «Ni citoyens Français, ni mêmes sujets Français, comme les musulmans algériens, les musulmans tunisiens ne jouissent d’aucun des droits politiques français... La situation du musulman tunisien en France est, en principe, celle de l’étranger. Il y conserve sa nationalité et son statut personnel... A l’étranger, le musulman tunisien est sous la protection des agents diplomatiques et consulaires de la France et garde son statut personnel».

[135] L’article 22 précise que «leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement».

[136] Résolution du 22 avril 1923 : 1. Le statut des habitants indigènes d’un territoire sous mandat est distinct de celui des nationaux de la puissance mandataire et en saurait être assimilé à ce statut par aucune mesure collective de portée générale. 2. Les habitants indigènes d’un territoire sous mandat n’acquièrent pas la nationalité de la puissance mandataire par suite de la protection dont ils bénéficient. 3. II n’est pas contraire aux principes posés ci-dessus... que les habitants d’un territoire sous mandat puissent, par un acte individuel de leur volonté, obtenir, par la naturalisation, la nationalité de la puissance mandataire.

[137] Décret du 7 novembre 1930 relatif à l’accession à la qualité de citoyen Fiançais des administrés sous mandat originaire du Togo et du Cameroun, Ministère de la Justice, op. cit. p. 247-248.

[138] On peut changer de civilisation, on ne peut changer de race et ce concept n’est pas toujours absent de la phraséologie de la France républicaine, ainsi dans Le tour de France par deux enfants, de G. Bruno, texte primitif, p. 188 on peut lire : «La race blanche, la plus parfaite des races humaines...».

[139] Souvenirs sur la colonisation. Paris, 1935, p- 3-4.

[140] Loi du 22 mars 1915 relative à l’acquisition de la qualité de citoyen Français pour les sujets français non originaires de l’Algérie, et les protégés français non originaires de Tunisie et du Maroc, qui résident en France, en Algérie, ou dans une autre colonie que leur pays d’origine.

[141] Ministère de la Justice, op. cit., p. 212-214.

[142] Werner, op. cit., p. 188.

[143] Cf. F. Challye, op, cit., p. 3-4.

[144] Notamment le décret de 1881 sur la Cochinchine.

[145] Ministère de la Justice, op. cit., p. 212-214.

[146] Décret du 14 janvier 1918 pour les anciens combattants de l’Afrique occidentale et équatoriale française.

[147] Notons que l’accession à la citoyenneté est mentionnée en marge des actes de l’état-civil de l’intéresse ou des actes de notoriété.

[148] Werner, op. cit., p. 38 «Les nouveaux citoyens sont immédiatement éligibles et susceptibles dc remplir toutes les fonctions publiques, n’étant pas soumis à la restriction de l’article 6 de la loi du 10 août 1927 incompétente à leur égard».

[149] Ainsi article 7 du décret du 16 juin 1937 pour la Côte française des Somalis.

[150] Idem.

[151] Décret du 14 janvier 1918.

[152]  Le décret du 19 avril 1933 précise que la citoyenneté ne peut s’étendre qu’à l’épouse de premier rang.

[153] Les textes peuvent varier d’une possession française à l’autre, ainsi le décret du 2 octobre 1888 relatif à la police des étrangers a été rendu exécutoire en Algérie par décret du 21 juin 1890. Pour la Tunisie, D. Gaudiani, P. Thiancourt, G. Alapetite, op. cit., p. 198 : «La condition des étrangers européens qui se sont établis en Tunisie est en principe, ce qu’elle est en France».

[154] Décret du 5 novembre 1928. Ministère de la Justice, op. cit., p. 160-167.

[155] Décret du 4 décembre 1930 en Indochine

   Décret du 6 septembre 1933 à Madagascar et aux Comores

Décret du 9 juillet 1933 pour les établissements français de l’Océanie

Décret du 19 octobre 1937 pour la Nouvelle-Calédonie et Walls et Futuna.

[156] Article 2, 2° (est Français) tout enfant légitime né aux colonies d’un père né lui-même en France ou aux colonies. Article 3, 1° : (est Français) tout enfant légitime né aux colonies d’une mère étrangère qui est elle-même née en France ou aux colonies...).

Article 5 «Devient Français, à l’âge de 21 ans, s’il est domicilié aux colonies, tout individu né en France ou aux colonies d’un étranger à moins que, dans l’année qui précède sa majorité, il n’ait décliné la qualité de Français en se conformant...».

[157] Article 4 : «peut, jusqu’à l’âge de 21 ans accomplis, devenir Français, tout individu né en France ou aux colonies d’un étranger et domicilié aux colonies, qui déclarera réclamer la qualité de Français.

[158] Ministère de la Justice, op. cit., p. 240.

[159] Idem.

[160] Idem, p.246. Pour le Maroc la naturalisation des étrangers était réglementée par un décret du 29 avril 1920. Idem, p- 244-245.

[161] Convention du 29 juillet 1937, idem, p.246.

[162] 162 Ainsi Décret du 23 novembre 1939 et du 11 mai 1940 pour Madagascar, mêmes dates pour l’Indochine, etc.

[163] D. Gaudiani... op. cit., p. 199 «Etrangers originaires des pays islamiques... musulmans, au point de vue de leurs droits civils et notamment de leur statut personnel qu’ils conservent en Tunisie, ils sont très rapprochés des musulmans tunisiens».

[164] Werner, op. cit., p. 51.

[165] Même dans les protectorats, D. Gaudiani, op. cit., p. 199.

[166] Werner, op. cit., p. 27.

[167] Ministère de la Justice, op. cit., p. 193-194.

[168] Article 1er de la loi «Les indigènes d’Algérie pourront accéder à la qualité de citoyen français en vertu des dispositions du senatus-consulte du 14 juillet 1865 et de la présente loi».

[169] «Les effets des décisions rendues en exécution des articles 6, 7 et 9... sont ceux que le sénatus-consulte dc 1865 a attaché à l’admission à la qualité de ctioyen français».

[170] Article 2, 2° «être monogame ou célibataire».

[171] Pour le loyalisme, article 2, 3° : «N’avoir jamais été condamné pour crime ou pour délit, comportant la perte des droits politiques, et n’avoir subi aucune peine disciplinaire soit pour actes d’hostilité contre la souveraineté française, soit pour prédication politique ou religieuse, ou menées de nature à porter atteinte à la sécurité générale». Pour la conformité avec la civilisation française, article 2, 40 b) savoir lire et écrire le français g) être né d’un indigène devenu citoyen français alors que le demandeur avait atteint l’âge de 21 ans».

[172] Articles 3 et 4.

[173] Article 6.

[174] Loi du 18août 1929, Ministère de la Justice, op. cit., p. 195.

[175] La Convention de Madrid du 3 juillet 1880 relative au Maroc était appliquée durant le protectorat, Ministère de la Justice, op. cit., p. 244 «Tout sujet marocain naturalisé à l’étranger qui reviendra au Maroc, devra, après un temps de séjour égal à telul qui lui aura été régulièrement nécessaire pour obtenir la naturalisation, opter entre sa soumission entière aux lois de l’Empire et I’obigation de quitter le Maroc, à moins qu’il ne soit constaté que la naturalisation étrangère a été obtenue avec l’assentiment du Gouvernement marocain...».

[176] Un décret du 2 octobre 1948 viendra accentuer cette démarcation entre nationalité française et nationalité marocaine. Ministère de la Justice, op. cit., p. 245-246 : «L’attribution de la nationalité française, conformément à l’article 19 du code de la nationalité française (notamment est Français celui qui est de mère française), ne peut être invoquée sur le territoire de la zone française de l’Empire chérifien qu’avec l’assentiment de S.M. chérifienne, par l’enfant né d’un père marocain et d’une mère française. Elle ne peut être opposée à cet enfant sur le même territoire qu’à la même condition». Le droit marocain, fidèle è la tradition musulmane, considère que la nationalité se transmet par le père.

[177] Cf. n.155.

[178] Werner, op. cit., p.77.

[179] Décret du 7 novembre 1916 pour Madagascar, notamment l’article 10 «L’acte de reconnaissance, dûment homologué...entraîne en outre, pour l’enfant reconnu, l’accession de plein droit à la qualité de citoyen Français».

  Décret du 10 janvier 1918 pour l’A.E.F.

  Décret du 28 mars 1918 pour l’Indochine Décret du 24 avril 1919 pour les établissements français de l’Océanie

  Décret du 15 décembre 1922 pour les établissements français de l’Inde et la Nouvelle-Calédonie.

[180] Indochine, Nouvelle-Calédonie, Nouvelles-Hébrides.

[181] Madagascar, Etablissements français de l’Océanie, de l’Inde, A.O.F., A.E.F.

[182] Werner, op. cit., p.95.

[183] Idem, p. 90, Justice de paix de Pnom-Penh du 20 octobre 1921, Tribthial civil de Nouméa du 28 mars 1923.

[184] Rapport présenté au Conseil supérieur de législation coloniale

[185] Décret du 4 novembre 1928 pour l’Indochine

Décret du 5 septembre 1930 pour l’A.E.F.

  Décret du 21 juillet 1931 pour Madagascar Décret du 30 mai 1933 pour la Nouvelle-Calédonie

            Décret du 15 septembre 1936 pour l’A.O.F.

            Décret du 28 décembre 1937 pour le Togo

Pour le Cameroun un décret du 28 mars 1944 (3.0. d’Alger du 15 avril 1944) contient les mêmes dispositions.

[186] 186

[187] Décret du 28 décembre 1937 pour le Togo, Ministère de la Justice, op. cit., p. 250.

[188] Le logo et le Cameroun étaient concemés, en 1944 l’extension de ces dispositions au Cameroun ne semblent.pas avoir soulevé de difficultés.

[189] Cette référence à ce qu’aurait été depuis toujours la finalité de la colonisation française est surprenante.

[190] C’est la fin de préambule.

[191] Idem.

[192] D. Lochak, Etrangers : de quel droit ?, PUF, 1985, p. 164-165 : «Voulant rompre avec le passé et avec les errements du passé, le législateur en 1945, va faire de I’Etat le seul maitre d’oeuvre de la politique d’immigration, optant clairement pour une immigration organisée et contrôlée, qui ne soit plus abandonnée aux fluctuations de l’offre et de la demande et aux initiaitives du patronat...». Dès le début ce dispositif n’a pas été respecté.

[193] Ministère de la Justice, op. cit., p. 89.

[194] Mesures prises en 1927 et en 1934 (loi du 19 Juillet)

L’article 81 de l’ordonnance de 1945

«L’étranger naturalisé est soumis aux incapacités suivantes

1° Pendant un délai de dix ans à partir du décret de naturalisation, il ne peut être investi de fonctions ou de mandats électifs pour l’exercice desquels la qualité de français est nécessaire

2° Pendant un délai de cinq ans à 1artlr du .quels de naturalisation, il ne peut être électeur lorsque la qualité de français est nécessaire pour l’inscription sur les listes électorales (cette disposition est nouvelle).

3° Pendant un délai de cinq ans (au lieu de dix précédemment, li ne peut étre nommé à des fonctions publiques rétribuées par l’Etat, inscrit à un barreau ou nommé titulaire d’un office ministériel.

   Le texte de l’ordonnance de 1945 se trouve Ministère de la Justice, op. Cit.,: 91-111.

[195] Article 44.

[196] Article 62.

[197] Article 37.

[198] Article 4, b, Ministère de la Justice, op. cit., p. 74.

[199] Décret du 2 novembre 1945, Ministère de la justice, idem, p. 112-114.

[200]

[201] Article 60 de la constitution.

[202] Article 80 de la constitution.

[203] Article 82 de la constitution.

[204] Article 80 de la constitution.

[205] Anciens officiers, titulaires de diplômes, fonctionnaires ou agents de l’Etat, bachagas ou ca¥ds ayant exercé leurs fcmctions pendant au moins trente ans, etc...

[206] Article 4 de l’ordonnance.

Le texte de l’ordonnance se trouve dans Ministère de la Justice, op. cit., p. 195-196.

[207] Gaude Collot, Les institutions de l’Algérie durant la période coloniale, éditions du CNRS et OPU-Alger, 1987, p. 16.

Le premier collège comprenait 58 000 musulmans de statut local. En 1948, ii y avait 860 000 Français et 7 700 000 musulmans.

[208] «L’attribution, l’acquisition et la perte de la nationalité française aux colonies (dans les territoires d’outre-mer) et dans les pays placés sous protectorat ou sous mandat français sont régies par des dispositions spéciales».

[209] Le décret du 24 février 1953 se trouve dans Ministère de la Justice, op. cit., p. 172-174

Article 2

En 1963 ont été ajoutées la liste la Côte française des Somalis et les ties Wallis et Fu.

tuna.

[210] Article 161 du Code de la nationalité française, rédaction de la loi du 9 janvier 1973.

[211] Articles 17 et 18 du décret.

[212] Artticle (sic) 3 du décret.

[213] Ministère de la Justice, op. cit., p^. 199-200.

[214] Idem.

[215] Article 5 de la loi.

[216] Article 4 de la loi.

[217] Article 75 de la constitution de la Ve République : Les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l’article 34, conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé».

[218] C’est ce qui ressort de l’analyse des textes exposés dans Ministre de Justice, op. cit., p. 201.

[219] Idem, p, 196.

[220] Idem, p. 197.

[221] Idem, p. 211 «Les Français de statut civil de droit commun domiciliés dans le territoire à la date de l’indépendance conserveront la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la loi comorienne».

[222] Article 153.

[223] Article 23 de la loi du 9 janvier 1973 : «Les articles 23 et 24 du code de la nationalité françai sont applicables à l’enfant né en France d’un parent sur un territoire qui avait, au moment de la naissance de ce parent, le statut de colonie ou de territoire d’outre-mer dc la République française».

La loi lu 19 juillet 1976 concernant le territoire français des Afars et des Issas, précèdent de peu l’indépendance, introduit in fine le droit du sol dans ce qui était l’ancienne Côte française des Somalis. Son article 2 dispose «Les personnes nées depuis le 1er août 1942 qui en l’absence des dispositions dc la loi.., du 8juillet 1963, auraient été ou auraient pu devenir françaiss par application des articles 23, 24, 44 et 52 du code de la nationalité française, pourront réclamer cette nationalité par déclaration non soumise enregistrement».

[224] Dans l’avant-propos de loi, nous trouvons l’argumentation suivante La règle de l’article 23 du code de la nationalité française, qui prend en compte le lieu de naissance des parentes, n’en a pas moins des effets paradoxaux a la suite de l’accession l’indépendance des anciens départements français d’Algérie et colonies françaises d’Afrique et de Madagascar. Les personnes de toutes origines qui y sont nées avant 1960, époque des diverses indépendances voient leurs enfants nés aujourd’hui en France automatiquement Français dès la naissance... Il a pu certes, être envisagé de réviser l’article 23 du code à seule fin d’exclure let enfants nés en France de parents nés en Algérie, mais les inconvénients d’une telle solution sont dirimants: elle ne tiendrait pas compte de l’histoire et de la durée de la présence française en Algérie elle priverait d’un mode simple de preuve de leur nationalité les enfants de «pieds-noith parfois eux-mêmes d’origine étrangère récente...

Pour pallier ces difficultés il faudrait se référer aux statuts personnels des différentes populations cohabitant en Algérie du temps de la présence franaise. Mais l’application des notions de l’ancien droit colonial- aboutirait parfois à des résultats aberrants... La solution est différente en ce qui concerne l’application de l’article 23 de la loi du 9 janvier 1973 qui attribue la nationalité française aux enfants nés en France d’un parent né dans les anciennes colonies ou territoires d’outre-mer, telles que par exemple l’Afrique noire et Madagascar. Cet article peut être abrogé pour les raisons suivantes : il s’agit d’un texte non codifié de la loi di 9 janvier 1973 et conçu des l’origine comme transitoire... les difficultés de preuve.., n’atteignent pas la même ampleur (qu’en Algérie)... les colons moins nombreux y ont fait plus rarement souche.

[225] Proposition n° 37 qui forme avec deux autres propositions (suppresk)n de la procédute de réintégration souscrite par déclaration et en revanche une meilleure politique d’accueil qui passerait par une politique de naturalisation favorable) un titre Abroger le droit transitoire de la décolonisation. Pour l’article 23 la date d’effet serait le 1er janvier 1995.