MICHAËL RODRIGUEZ
TITRE USURPÉ Pour exercer comme notaire, l'ancien député au Grand Conseil vaudois Charles-Pascal Ghiringhelli s'était fabriqué une fausse attestation de l'Université de Berne. On le découvre après 19 ans!
«Charles-Pascal Ghiringhelli, Docteur en droit, notaire». De la plaque de son étude à Aigle aux listes du Parti radical pour l'élection au Grand Conseil vaudois, c'est sous cette étiquette respectable que l'homme s'affichait. Après 19 ans d'activité comme notaire, le masque est tombé: Charles-Pascal Ghiringhelli n'a jamais obtenu de doctorat en droit. C'est en usant d'un faux qu'il a pu effectuer un stage dans une étude de notaire et passer - avec succès - les examens finaux. Le Conseil d'Etat, qui a annoncé la nouvelle hier, a dénoncé le cas au procureur général vaudois, Eric Cottier.
Quasi président
Dans la classe politique vaudoise, l'affaire provoque la consternation, mais aussi quelques sourires en coin. Membre du Législatif d'Aigle, Charles-Pascal Ghiringhelli a siégé au Grand Conseil de 1993 à 2007. Il s'en est même fallu de très peu qu'il ne soit aujourd'hui le président du parlement cantonal. En mai 2005, le radical avait en effet échoué pour deux petites voix (76 contre 74) face à l'écologiste Anne Baehler Bech lors de l'élection à la vice-présidence du Grand Conseil.
Avec un brin de politique-fiction, on peut donc imaginer ce grand amateur de science-fiction qu'est Charles-Pascal Ghiringhelli au poste de premier citoyen du canton, et néanmoins dénoncé au procureur comme un malfrat. D'aucuns, jusque chez les radicaux, doivent se dire qu'Anne Baehler Bech n'a pas usurpé son titre de présidente.
Comment Charles-Pascal Ghiringhelli est-il devenu un faussaire? La machine à remonter le temps nous conduit au début des années 1980, à l'Université de Lausanne. L'homme, qui est l'un des initiateurs et le premier rédacteur en chef du journal des étudiants «L'Auditoire», y suit des études de droit. Avec succès, puisqu'il obtient sa licence. Deux options s'offrent alors à lui pour préparer son admission à l'indispensable stage de notaire: la voie préfectorale (un examen devant une commission présidée par le préfet) ou la voie doctorale (une thèse).
Une thèse jamais finie
Charles-Pascal Ghiringhelli choisit la deuxième solution et entame une thèse à la Faculté de droit de l'Université de Berne. Un premier jet est rendu, mais l'étape de la correction ne sera jamais franchie. Cela n'empêche pas l'étudiant de présenter, pour être admis à un stage, non seulement une licence mais aussi une attestation stipulant qu'il a soutenu avec succès sa thèse à l'Université de Berne. Après l'enquête menée par l'avocat Yves Hofstetter à la demande de la Chambre des notaires et du Département de l'intérieur (DINT), il s'avère que le document est un faux. Charles-Pascal Ghiringhelli a reconnu les faits, précise le chef du DINT Philippe Leuba. En date du 16 juin dernier, le faussaire a rendu sa patente. L'an dernier, il avait déjà été suspendu durant six mois pour faute professionnelle.
Représentant de l'aile droite du Parti radical, proche des milieux économiques, Charles-Pascal Ghiringhelli n'a pourtant jamais eu un poids considérable au parlement. Y compris au sein de sa famille politique. En octobre 2003, à l'approche de la rénovation des tunnels de Glion, le député d'Aigle s'était retrouvé complètement seul à prôner le percement d'un troisième tube. Humilié, il avait quitté la salle sur-le-champ.
Dans sa région, l'homme jouissait par contre d'une assez grande popularité. La preuve: à l'issue des élections au Grand Conseil en 2002, Charles-Pascal Ghiringhelli était le mieux élu de toute la députation de son district, juste devant Frédéric Borloz, l'actuel président du groupe radical au Grand Conseil. I