1. Drummie (Re), [2002] A.N.-B. no 328



Drummie (Re), [2002] A.N.-B. no 328

New Brunswick Judgments

 

 

Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick

 En matière de faillite et d'insolvabilité

Le registraire Bray

Entendu : le 1 février 2002.

Jugement : le 7 octobre 2002.

Dossier numéro NB 8881

Actif numéro 51-092558

 

[2002] A.N.-B. no 328   |   [2002] N.B.J. No. 328   |   2002 NBQB 315   |   2002 NBBR 315   |   254 N.B.R. (2d) 382   |   37 C.B.R. (4th) 241   |   117 A.C.W.S. (3d) 21   |   2002 CarswellNB 342

DANS L'AFFAIRE DE la faillite de Thomas Blair Drummie


(39 paras.)


Traduction : Centre de traduction et de terminologie juridiques, Université de Moncton.

Avocats

 

 


George L. Cooper, pour le failli. Bernard F. Miller, pour la Society of Lloyd's. R. Gary Faloon, c.r., pour Grant Thornton Limited, syndique de l'actif.

 



** Traduction **


LE REGISTRAIRE BRAY


1 Thomas Blair Drummie (le "failli"), né le 20 février 1931, avocat exerçant le droit à Saint John depuis 1954, a déposé une cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité le 29 mars 2001. La société Grant Thornton Limited a été désignée syndique de l'actif du failli au moyen d'un certificat du séquestre officiel daté du 18 avril 2001.


2Lors de la première assemblée des créanciers, présidée par Vincent L. Duff et tenue le 19 avril 2001, le bilan établi par le failli faisait état d'avoirs s'établissant à 683 378,97 $, dont 325 877,97 $ placés dans un REER et 1 000 $ d'effets personnels au titre desquels des exemptions étaient sollicitées. Le solde de 356 500 $ était détenu sous forme de valeurs et ne faisait pas l'objet d'une demande d'exemption. La plus grande partie de ce montant consistait en un holding privé, Ground Floor Holdings Ltd.


3Le bilan faisait état de trois créanciers principaux et des dettes suivantes : la Society of Lloyd's (la "Lloyd's") - 635 140 $, le ministre du Revenu national (l'"ADRC") - 90 000 $ et la Banque Royale du Canada (la "Banque Royale") - 312 410,82 $. Le failli a déclaré que c'est sa dette envers la Lloyd's qui est principalement à l'origine de son insolvabilité.


4Dans le rapport préliminaire aux créanciers qu'elle a déposé à la première assemblée des créanciers, la syndique a souligné que le failli avait accepté de verser des paiements mensuels de 1 860 $ conformément aux lignes directrices du surintendant des faillites et compte tenu de son revenu mensuel estimatif, qui s'établissait à 6 221 $, dont 5 000 $ provenaient de l'exercice de sa profession libérale. Elle soulignait également que la valeur marchande des avoirs non exemptés n'était pas connue à ce moment-là.


5Le procès-verbal de la première assemblée des actionnaires montre que la société Grant Thornton Limited a été confirmée dans ses fonctions de syndique de l'actif et que George Benchetrit, qui représentait la Lloyd's, a été nommé inspecteur. Le procès-verbal ne fait état d'aucune autre décision importante.


6Le 7 décembre 2001, la syndique a interrogé le failli sous serment devant le registraire, conformément au paragraphe 163(1) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (la "Loi"). Il est à remarquer que l'avocat de la Lloyd's était présent et l'avocat de la syndique l'a autorisé à poser des questions auxquelles le failli a volontairement répondu bien qu'aucune demande n'ait été faite au tribunal conformément au paragraphe 163(2) de la Loi.


7Le 10 décembre 2001, la syndique a établi le rapport visé à l'article 170 dans lequel elle disait que le failli avait convenablement rempli les obligations qui lui avaient été imposées sous le régime de la Loi, expliquait que le revenu variable du failli était inférieur à ce que prévoyaient les lignes directrices du surintendant pendant la durée de la faillite et recommandait une libération pure et simple. La libération automatique de ce nouveau failli aurait eu lieu le 30 décembre 2001.


8La Lloyd's a contesté la libération du failli, invoquant les raisons suivantes :

 1.     La valeur des avoirs du failli n'est pas égale à cinquante cents par dollar de ses obligations non garanties et il s'ensuit que le montant réalisé au profit des créanciers non garantis est complètement disproportionné avec le montant des obligations du failli.

 2.     Au moment où la faillite a été choisie, les trois principaux créanciers du failli n'avaient pas fait une demande formelle de paiement et ne cherchaient pas activement à recouvrer leurs créances. Le failli aurait pu présenter une proposition solide, mais il a choisi la faillite plutôt que de faire une proposition aux créanciers comme moyen d'acquitter ses dettes.

 3.     Le failli n'a pas fait de versements mensuels réguliers ni aucune contribution importante à l'actif pendant la faillite.

 4.     Le failli a tenté de verser un paiement préférentiel important à son épouse six mois avant la faillite et il n'a pas divulgué l'ensemble de ses obligations dans son bilan comme l'exige la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

 5.     La principale raison pour laquelle le failli a déclaré faillite semble être qu'il voulait tenter de recourir au processus de faillite pour se soustraire complètement à la créance de la Society of Lloyd's et éviter d'acquitter ses impôts exigibles sur le revenu gagné pendant l'année 2000 et sur certains revenus reportés.

 

 

 

9La Lloyd's demande que la libération du failli s'accompagne des conditions suivantes :

 1.     La libération du failli doit être suspendue pour une période de six mois.

 2.     Le failli doit immédiatement verser à l'actif les 10 000 $ qu'il a réunis et détient dans un compte en banque (au lieu de faire des versements mensuels).

 3.     Le failli doit continuer à faire des versements mensuels de 1 868 $ à l'actif pendant les six mois au cours desquels la libération sera suspendue.

 4.     Le failli doit être tenu de consentir à ce que jugement soit rendu en faveur de la syndique pour la somme de 50 000 $ au profit des créanciers non garantis.

 

 

 

10J'examinerai ces objections dans l'ordre.

 1.     Est-il exact que la valeur des avoirs du failli n'est pas égale à cinquante cents par dollar de ses obligations non garanties?

 

 

11Le fait que la valeur des avoirs du failli ne soit pas égale à cinquante cents par dollar de ses obligations non garanties peut constituer un motif justifiant le refus de la libération, la suspension de la libération ou l'octroi de la libération sous condition, conformément à l'alinéa 173(1)a) de la Loi, à moins que le failli ne convainque la Cour que ce fait provient de circonstances dont il ne peut à bon droit être tenu pour responsable. Bien que les tribunaux soient encore saisis, en appel, de la question du droit de sûreté, il ressort des documents produits que les avoirs disponibles en vue de leur distribution aux créanciers non garantis ne correspondent pas à cette valeur minimale et il incombe au failli de prouver qu'il ne peut à bon droit en être tenu pour responsable. Bien que la syndique se dise d'avis, dans le rapport qu'elle a rédigé conformément à l'article 170, que le failli n'est pas responsable de l'insuffisance de ses avoirs, cette opinion ne tranche pas, à elle seule, la question.


12Les obligations du failli qui ont entraîné la cession de faillite consistaient dans la dette de 635 140 $ envers la Lloyd's et celle de 312 410,82 $ envers la Banque Royale. Une grande partie de la dette envers la Banque Royale consistait en un report sous la forme de prêts découlant du crédit documentaire déposé en faveur de la Lloyd's. Le fait que le failli ait investi dans la Lloyd's en 1986 et qu'il soit devenu un "Name" en 1987 ne saurait être considéré comme un comportement téméraire ou imprudent qui mérite une sanction. À l'époque, la Lloyd's était une institution bien établie et les personnes raisonnables qui en sont devenues membres souscripteurs n'étaient pas en mesure de prévoir les fortes pertes subies. Ce genre d'investissement ne peut être assimilé à une spéculation irréfléchie sur le marché.


13Lorsqu'il a commencé à subir des pertes importantes, le failli a pris des mesures afin de se libérer de ses obligations contractuelles mais il n'a pas pu le faire immédiatement en raison des clauses du contrat. Les tentatives faites pour recouvrer le montant des pertes au moyen d'une action en justice au Canada ont été vaines.


14Le failli n'est nullement coupable de la détérioration subite de sa situation financière et du fait que ses avoirs sont par conséquent devenus insuffisants par rapport à ses obligations. L'action en justice que le failli a introduite était raisonnable dans les circonstances bien que le fait que la Cour n'ait pas tranché la question de fond ne nous permette pas de tirer une inférence négative contre la Lloyd's.


15Le failli n'a pas créé les circonstances qui ont donné lieu à l'écart qui existe entre ses avoirs et ses obligations.

 2.     Le failli aurait pu faire une proposition solide au lieu de choisir la faillite.

 

 

16La raison qui justifie une proposition est que celle-ci présente un intérêt à la fois pour le débiteur, qui n'a pas à essuyer la honte d'une faillite, et pour les créanciers, qui recouvrent un montant supérieur à celui qu'ils auraient obtenu par voie de cession. Il faut effectuer un examen objectif des circonstances pour déterminer si le fait que le failli a choisi la cession en l'espèce a porté préjudice aux créanciers. Il faut examiner les avoirs disponibles et les revenus futurs potentiels au moment de la cession. L'insuffisance des avoirs par rapport aux obligations a déjà été examinée. La majorité des avoirs non exemptés étaient détenus dans des valeurs, principalement celles de Ground Floor Holdings, dont disposait la syndique et dont la valeur de réalisation n'aurait pas été considérablement différente, dans le cadre d'une proposition, de celle obtenue dans le cadre de la faillite.


17Les revenus potentiels du failli sont difficiles à évaluer avec exactitude. Ses revenus avaient, à une certaine époque, été considérables, mais il faut tenir compte du fait qu'il avait soixante-dix ans au moment de la cession ainsi que de la diminution de sa clientèle dont il a fait état pendant l'interrogatoire.


18Les revenus potentiels du débiteur permettraient d'établir le montant susceptible, le cas échéant, d'être versé directement parce qu'il constitue un excédent sur les dépenses nécessaires. Ils donneraient également une idée de la capacité du failli d'obtenir du crédit supplémentaire afin de disposer des sommes nécessaires aux versements pendant que la proposition est en vigueur.


19Les dépenses du failli, qui sont mentionnées dans son état des résultats établi le 24 mars 2001, montrent qu'il a un train de vie confortable mais pas extravagant pour un professionnel qui exerce le droit depuis plus de quarante-cinq ans. Des déductions de cinq cents dollars par mois au titre de l'alcool et de cent cinquante dollars par mois au titre des droits d'adhésion à un club ne sont pas, toutefois, justifiables. À ces exceptions près, aucune preuve n'établit que le failli a exagéré le montant de ses dépenses pour qu'elles excèdent son revenu.


20Selon les états des revenus établis pendant la durée de la faillite, le revenu mensuel moyen s'établissait au total à 1 819 $. Bien que des fluctuations à la hausse soient possibles, la probabilité d'un revenu élevé régulier est faible compte tenu de l'âge du failli.


21Étant donné l'importance des obligations du failli et sa capacité limitée de gagner un revenu consistant en des sommes supérieures à celles recouvrées au moyen de la liquidation de ses avoirs non exemptés, je ne suis pas convaincu qu'un quelconque degré de culpabilité devrait lui être imputé pour ne pas avoir fait de proposition.

 3.     Le failli a-t-il omis de faire les versements mensuels exigés ou une contribution importante à l'actif pendant la faillite?

 

 

22Selon le rapport établi conformément à l'article 170, les revenus mensuels bruts du failli se sont établis à 1 249 $ en moyenne pendant la période de faillite qui a pris fin en octobre 2001. Il s'agit d'un montant inférieur à ce que précisent les lignes directrices du surintendant au titre du revenu excédentaire.


23La Lloyd's insiste pour que les revenus imposables des années qui ont précédé la faillite servent à établir un revenu réputé et ce, si l'on tient pour acquis que la diminution des revenus de profession libérale après la faillite était évitable. La créancière qui s'oppose à la libération prétend également que le failli a témoigné avoir accumulé 10 000 $ pendant cette période et que ce montant doit faire l'objet d'une résignation en faveur de la syndique (question 259 posée pendant l'interrogatoire effectué sous le régime du paragraphe 163(1)).


24Le failli a témoigné que ce montant provenait d'un prélèvement mensuel de 5 000 $ sur le compte de capital de son cabinet d'avocats, prélèvement qui était de 10 000 $ avant la faillite et avait été réduit. La syndique, ayant informé le failli qu'il n'était pas tenu de continuer à faire des versements mensuels pendant la faillite, a fondé ses calculs sur ce montant. Quel statut faut-il donner à ce prélèvement? Un des associés du cabinet a indiqué que le compte de capital du failli au cabinet était à découvert le jour de la faillite. En faisant ce prélèvement, il se trouvait donc à obtenir des sommes en fonction de son revenu futur prévu, que celui-ci découle d'heures facturables ou d'autres sources. Bien que ce revenu n'ait pas été gagné, à strictement parler, pendant la période de faillite, il serait injuste envers les créanciers de permettre au failli d'en profiter maintenant et d'avoir la possibilité de rembourser ces sommes après une libération absolue. Le failli ne peut pas à la fois omettre de faire les versements mensuels requis pendant la faillite et faire des prélèvements considérables sur son revenu futur prévu tout en prétendant que ses revenus futurs seront insuffisants pour faire les versements dont dépend la libération. L'excédent ainsi accumulé de 10 000 $ doit faire l'objet d'une résignation en faveur de la syndique. Bien que le failli ait témoigné qu'une partie de ce montant a été dépensée pour subvenir à ses besoins, j'ai tenu compte des modifications à son train de vie susmentionnées.

 4.     Le failli a-t-il tenté de verser un paiement préférentiel important à son épouse six mois avant la faillite et a-t-il négligé de divulguer l'ensemble de ses obligations dans son bilan comme l'exige la Loi sur la faillite et l'insolvabilité?

 

 

25La Lloyd's fait valoir que le fait que le failli ait opéré à découvert sur le compte en capital du cabinet d'avocats et qu'il ait cédé un billet de Ground Floor Holdings à son épouse dans l'année qui a précédé la faillite constitue un manquement aux devoirs que lui impose la Loi, manquement qui devrait empêcher la libération absolue.


26Le failli a expliqué pourquoi il a cédé un billet de Ground Floor Holdings à son épouse, croyant qu'il s'agissait d'une garantie valable relativement à une dette exigible en raison d'un prêt. Il a témoigné que cela a été fait avant que la banque ne présente une demande finale de remboursement anticipé et qu'il n'avait pas l'intention de déclarer faillite à ce moment-là. Le failli est revenu sur sa décision et a fait en sorte que le billet soit rétrocédé à la syndique lorsque cette dernière lui en a fait la demande. Le failli a dit que son compte de capital à son cabinet d'avocats présente sans doute un découvert, mais que "peu s'en faut". Il a dit que les calculs détaillés n'étaient faits qu'une fois l'an. Bien que sa réponse ne soit sans doute pas complètement satisfaisante, je ne puis conclure qu'il y a eu une tentative consciente de dissimulation. Les explications données interdisent toute conclusion d'agissements délibérés et cela n'a pas porté atteinte à l'actif. Il n'est pas nécessaire d'accompagner la libération d'une pénalité additionnelle en raison de ces circonstances.

 5.     La raison pour laquelle le failli a déclaré faillite était-elle qu'il voulait se soustraire complètement à la créance de la Lloyd's et éviter d'acquitter ses impôts sur le revenu gagné pendant l'année 2000 et sur certains revenus reportés?

 

 

27La Lloyd's prétend qu'il y a eu une tentative délibérée de ne pas payer la dette constatée par le jugement qu'elle a obtenu, que le failli a choisi de ne pas payer l'impôt sur son revenu pour l'année 2000 et que l'on devrait conclure qu'il y a eu faute de sa part parce qu'il a pris ces décisions.


28Le failli a expliqué ce qui s'est passé en ce qui concerne le versement d'impôt dans ses réponses aux questions 172, 207 à 223 et 259 de l'interrogatoire qu'il a subi sous le régime du paragraphe 163(1) le 7 décembre 2001. Il avait l'habitude de verser, le 30 avril, le montant exigible pour l'année précédente, à l'exception d'une année où un revenu plus élevé que le revenu prévu lui a permis de faire des versements échelonnés sur l'année d'imposition 1999. Il n'a pas de fraude fiscale dans ses antécédents. Le failli a témoigné que l'excédent accumulé par suite de ses prélèvements devait servir à payer les impôts de l'exercice. Bien que cette façon de procéder n'ait pas été la bonne et n'ait pas été conforme aux dispositions de la Loi, il n'y a aucune preuve convaincante établissant que la faillite est imputable à des raisons d'ordre fiscal ou qu'il y a eu une tentative délibérée d'éluder le paiement de l'impôt. Il est à remarquer que l'ADRC n'est pas une créancière ayant formulé une opposition en l'espèce.


29La faillite a manifestement eu une incidence négative sur la créance de la Lloyd's. Le failli a témoigné qu'il avait envisagé mais rejeté la possibilité d'un règlement amiable égal à 35 % avec la Lloyd's parce que la moitié de ses revenus après impôt allaient servir à rembourser le prêt consenti par la banque. Il craignait également que le montant de la réduction de la dette soit ajouté à son revenu aux fins de l'impôt. Il avait le sentiment qu'une cotisation ultérieure compromettrait tout projet éventuel. On a fait grand cas de la déclaration du failli selon laquelle il était "heureux" d'avoir fait faillite. Il arrive souvent que les faillis, bien qu'ils soient honteux et éprouvent un sentiment de perte économique du fait de la faillite, soient heureux qu'on leur enlève le stress imputable au poids écrasant de leur dette. Pendant qu'il rendait témoignage sur les tentatives qu'il a faites pour assurer le service de ses prêts pendant les années 1990, le failli a dit qu'il ne voulait pas déclarer faillite et qu'il avait le sentiment d'avoir une obligation envers la banque qui lui était venue en aide pendant une période difficile. Cela montre l'absence d'un mépris délibéré pour les droits des créanciers. Les sentiments négatifs que le failli peut entretenir à l'égard de la Lloyd's, savoir qu'il tiendrait celle-ci responsable de son infortune, ont peu d'importance à moins qu'ils ne l'aient amené à contrevenir à l'objet de la Loi. La Cour doit examiner la position du failli d'une façon objective pour déterminer s'il y a eu méfait.


30Le failli a témoigné que les revenus des années 1998 et 1999 constituaient une anomalie et a expliqué qu'il y avait eu une modification de sa clientèle, tout particulièrement la perte d'Aliant. Bien que les revenus des douze derniers mois puissent être inférieurs aux revenus prévus, il faut également tenir compte du fait que le failli est maintenant âgé de soixante et onze ans. On ne saurait conclure en l'espèce, comme ce fut le cas dans l'arrêt Westmore c. McAfee (1988), 67 C.B.R. (N.S.) 209, que le failli "semble avoir encore un brillant avenir dans l'exercice du droit". Dans le cas d'une personne ayant l'âge du failli, on ne saurait non plus conclure par extrapolation et sans crainte de se tromper que ses revenus futurs seront le reflet de ses revenus passés, comme ce fut le cas dans l'arrêt Janowski, Re (1993), 19 C.B.R. (3d) 77, à propos d'un avocat âgé de cinquante-quatre ans.


31Il y a également certains éléments qui permettent d'établir une distinction entre la situation du failli en l'espèce de celle de Me Touhey dans l'affaire Touhey c. Barnabe, 1995 CarswellOnt 3495. Me Touhey, avocat âgé de soixante-cinq ans qui avait gagné plus de 100 000 $ par année au cours des neuf années antérieures, n'avait presque aucun avoir au moment où il s'est présenté devant le tribunal. Il était à jour dans ses obligations envers l'ensemble de ses créanciers à la date de la faillite, mais il était débiteur judiciaire du créancier qui formulait une opposition. La Cour a conclu que Me Touhey avait agi de manière vexatoire en ce qui concernait le litige qui avait précédé le jugement. Elle a également conclu que des dépenses mensuelles de 11 096,32 $ étaient le signe d'un train de vie excessif, savoir "le double, sans doute, de ce dont une personne raisonnable ayant la même situation sociale aurait besoin". Nous avons déjà souligné, en l'espèce, que les avoirs détenus dans Ground Floor Holdings ont été transférés à la syndique, que le revenu potentiel du failli est en baisse et que, pendant les années qui ont précédé la faillite, il s'est efforcé d'assurer le service de ses dettes envers la banque. Les tentatives du failli pour faire valoir sa cause devant les tribunaux, bien que vaines, n'ont jamais été jugées déraisonnables et encore moins vexatoires.


32En effectuant la cession de ses biens, il est manifeste que le failli cherchait à atténuer sa dette judiciaire envers la Lloyd's puisqu'il s'agissait, de très loin, de son obligation la plus importante. La faillite a découlé des circonstances de l'association du failli avec la Lloyd's, dont une des conséquences a été le jugement et une autre des conséquences, la dette envers la banque. Voici ce qu'a dit le juge Platana, au paragraphe 47 de la décision Touhey c. Barnabe, précitée :

Lorsque la faillite résulte d'un jugement, les tribunaux ont considéré qu'une conduite indigne et délibérée de la part du failli constituait un motif de refus. Ils ont également examiné les actes du failli et ont refusé la libération dans des cas où le failli avait fait preuve d'un mépris flagrant et délibéré envers les droits des créanciers tant avant qu'après la faillite.

 

 

33Je ne puis conclure qu'en l'espèce les opérations que le failli a conclues dans le passé peuvent être interprétées comme une conduite délibérée et indigne. Nous ne pouvons non plus conclure en toute justice, d'après l'ensemble des faits, que le failli a fait preuve d'un mépris flagrant et délibéré envers les droits des créanciers tant avant qu'après la faillite. Je souscris à la démarche que le juge d'appel Locke a adoptée dans l'arrêt Heinonen, Re (1990), 3 C.B.R. (3d) 1 (C.A.C.-B.) :

Les remarques qui précèdent nous autorisent, selon moi, à conclure que le débiteur est fondé à demander la protection de la loi sur la faillite si la dette ou le montant du jugement civil auquel il est confronté est tellement considérable comparativement à son revenu et à ses perspectives raisonnables de revenus qu'il serait plongé dans une situation impossible entraînant des années de paiement. Dans ce cas, la libération sous condition est justifiée.

 

 

34Étant donné l'âge du failli et ses revenus potentiels incertains, la déclaration de faillite ne relevait pas d'un acte fautif. La libération à certaines conditions appropriées est justifiée.


Conclusion


35Aux termes de la Loi, il faut trouver le juste milieu entre les intérêts du failli et ceux des créanciers et du public. La situation du failli est une question de fait dans chaque cas précis. On ne doit pas permettre au failli de se défaire avec désinvolture de dettes qui ont été contractées par imprudence, mais on ne doit pas non plus lui imposer une charge insupportable sur une longue période de telle sorte que l'on contreviendrait au principe de la réadaptation.


36Il faut tenir compte de l'âge du failli et de la baisse de ses revenus potentiels que vient compenser en partie son régime enregistré d'épargne-retraite lequel, bien qu'exempté, apporte une certaine sécurité pour l'avenir. Le prélèvement de revenus pendant la période de faillite a été pris en considération.


37La libération absolue que demande le failli serait contre-indiquée dans les circonstances. Les conditions proposées par la créancière qui a formulé une opposition, toutefois, savoir obliger le failli à payer plus de 71 000 $, compromettrait d'une façon déraisonnable tout retour à un style de vie productif.


38Le failli, Thomas Blair Drummie, sera libéré à la condition qu'il consente à ce que jugement soit rendu en faveur de la syndique, pour la somme de 10 000 $, jugement qui ne fera pas l'objet d'une exécution forcée si le failli fait des versements mensuels minimums de 600 $ à la syndique.


39Des dépens de 800 $, prélevés sur l'actif, doivent être versés à la créancière qui a formulé une opposition.


LE REGISTRAIRE BRAY

 


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