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English
1994 CarswellQue 1047
R. c. Piché
Jean-Marc Piché, Appelant - requérant c. Sa Majesté La Reine, Intimée -
intimée
Cour d'appel du Québec
LeBel, Delisle, Otis, JJ.C.A.
Heard: 4 octobre 1993
Judgment: 18 mars 1994
Docket: C.A. Québec 200-10-000111-935
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Counsel: Me Lawrence Corriveau, c.r., pour l'appelant
Me Claude Bélanger, c.r., pour l'intimée
Subject: Criminal; Property
Per Curiam:
1
LA COUR, statuant, à la
fois, sur la requête de l'appelant pour autorisation d'en appeler, pour
des motifs comportant des questions de droit et de faits et pour des
motifs ne comportant que des questions de faits, d'une ordonnance de
confiscation de ses biens prononcée le 25 juin 1993 par un juge de la
Cour du Québec, chambre criminelle et pénale (l'honorable Laurent
Dubé), et sur la requête de l'intimée en rejet de l'avis d'appel
produit par l'appelant, pour des motifs comportant de simples questions
de droit;
2 Après étude du dossier, audition et délibéré;
3 Pour les motifs exposés dans les
opinions ci-annexées de monsieur le juge Jacques Delisle et madame la
juge Louise Otis, auxquelles souscrit monsieur le juge Louis LeBel:
4 ACCUEILLE la requête de l'intimée;
5 DÉCLARE nul l'avis d'appel déposé par l'appelant et en PRONONCE la radiation;
6 REJETTE la requête de l'appelant pour autorisation d'appel.
Opinion du Juge Delisle:
7 Après avoir directement produit une
inscription en appel, pour des motifs comportant de simples questions
de droit, d'une ordonnance de confiscation de ses biens prononcée le 25
juin 1993 par un juge de la Cour du Québec, chambre criminelle et
pénale, en vertu de l'article 462.38 C.cr., l'appelant présente une
requête pour autorisation d'en appeler de la même ordonnance pour,
cette fois, des motifs comportant des questions de droit et de fait et
pour des motifs ne comportant que des questions de faits.
8 De son côté, l'intimée a produit une
requête où elle conteste non seulement la demande d'autorisation de
l'appelant mais le droit même de celui-ci à un appel de plein droit, au
motif "qu'aucun texte de loi ne consacre le droit d'un accusé-fugitif
d'en appeler d'une ordonnance confisquant ses biens", prononcée en
vertu de l'article 462.38 C.cr.
9 Les deux requêtes ont été entendues en même temps.
10 L'article 462.38 C.cr. se lit comme suit:
(1)
[Demande de confiscation] Le procureur général peut demander à un juge
une ordonnance de confiscation, sous le régime du présent article,
visant quelque bien que ce soit lorsqu'une dénonciation a été déposée à
l'égard d'une infraction de criminalité organisée.
(2)
[Ordonnance de confiscation] Le juge saisi de la demande peut, sous
réserve des articles 462.39 à 462.41, rendre une ordonnance de
confiscation au profit de Sa Majesté de certains biens s'il est
convaincu que les conditions suivantes sont réunies:
a) ces biens constituent hors de tout doute raisonnable des produits de la criminalité;
b) des procédures à l'égard d'une infraction de criminalité organisée commise à l'égard de ces biens ont été commencées;
c) la personne accusée de l'infraction visée à l'alinéa b) est décédée ou s'est esquivée.
L'ordonnance
prévoit qu'il est disposé de ces biens selon les instructions du
procureur général ou autrement en conformité avec la loi.
(3)
[Définition] Pour l'application du présent article, une personne est
réputée s'être esquivée à l'égard d'une infraction de criminalité
organisée si les conditions suivantes sont réunies:
a) une dénonciation a été déposée à l'effet qu'elle aurait perpétré cette infraction;
b) un mandat d'arrestation fondé sur la dénonciation a été délivré à l'égard de cette personne;
c)
malgré des efforts raisonnables en ce sens il a été impossible
d'arrêter cette personne durant la période de six mois qui suit la
délivrance du mandat.
La personne est alors réputée s'être esquivée le dernier jour de cette
période de six mois.
11 Dans le présent cas, il n'est pas
contesté que l'appelant est "une personne réputée s'être esquivée" au
sens de l'article 462.38(3) C.cr.
12 Les avocats de l'appelant répondent à
l'argument de l'intimée en invoquant l'article 462.44 C.cr., tout en
soulevant qu'ils n'ont pas été avisés de l'audience, en première
instance, au cours de laquelle s'est faite la preuve au soutien de
l'ordonnance de confiscation, ayant appris la tenue de cette audience
par pur hasard et, lorsqu'ils s'y sont présentés, ayant été empêchés
d'intervenir contradictoirement dans le débat.
13 L'article 462.44 C.cr. se lit comme suit:
[Appels]
Les personnes qui s'estiment lésées par une ordonnance rendue en vertu
du paragraphe 462.38 (2) ou de l'article 462.43 peuvent en appeler
comme s'il s'agissait d'un appel à l'encontre d'une condamnation ou
d'un acquittement, selon le cas, en vertu de la partie XXI; les
dispositions de celle-ci s'appliquent à cet appel, compte tenu des
adaptations de circonstance.
Les Faits
14 1. - Le 25 mai 1990, un juge de la Cour
du Québec, chambre criminelle et pénale, a émis, en vertu de l'article
462.33 C.cr., une ordonnance de blocage des biens alors connus de
l'appelant.
15 2. - Cette ordonnance a été exécutée le
30 mai 1990, en même temps que des officiers de la Gendarmerie royale
du Canada procédaient à des perquisitions, entre autres, à la résidence
de l'appelant; ces officiers détenaient également un mandat
d'arrestation de l'appelant, émis par un juge de la Cour supérieure du
district de Montréal en vertu d'une demande d'extradition de celui-là.
Ce mandat n'a pu alors être exécuté, l'appelant étant introuvable.
16 3. - Le 16 novembre 1990, l'accusation suivante était portée contre l'appelant:
À
Québec, district de Québec, le ou vers le 30 mai 1990, sachant qu'ils
ont été obtenus ou proviennent, en totalité ou en partie, directement
ou indirectement, de la commission aux États-Unis d'Amérique d'actes
qui, s'ils avaient été commis au Canada, auraient constitué l'acte
criminel prévu à
l'article 5 de la Loi sur les stupéfiants, c. N-1,
L.R.C. 1985, a illégalement eu en sa possession des biens et/ou leurs
produits suivants: (suit une énumération)
17 4. - Un mandat d'arrestation de l'appelant est également émis.
18 5. - En mai 1991, il y a ouverture de
diverses commissions rogatoires pour recueillir en Suisse, en
Angleterre et aux États-Unis d'Amérique, dépositions et pièces
relatives à l'affaire.
19 6. - Le 14 juin 1993, le juge de
première instance déclare, dans le cadre d'une demande soumise par
l'intimée en vertu de l'article 462.38 C.cr., après avoir reçu sans la
présence de l'appelant ou de tout représentant d'icelui une preuve à
cet effet, que l'appelant est "une personne qui s'est esquivée" au sens
du paragraphe (3) de cet article.
20 7. - Cette première étape franchie,
l'intimée procède les 14 et 15 juin 1993 à sa preuve au soutien de sa
demande d'ordonnance de confiscation.
21 8. - Le 16 juin 1993, alors que
l'intimée s'apprête à poursuivre sa preuve, un des avocats de
l'appelant, qui a appris par hasard la tenue des
audiences, se présente devant le tribunal de
première instance pour participer au débat, invoquant un mandat verbal
donné par l'appelant en mai 1990.
22 9. - Le juge refuse l'intervention de
cet avocat pour le motif que la preuve ayant été faite que l'appelant
s'est esquivé et une décision ayant été rendue sur ce point il
considérait insatisfaisant le mandat invoqué par l'avocat. Le juge a
toutefois invité celui-ci à assister au déroulement de la preuve, s'il
le désirait; ce qu'il fit (procès-verbal du 16 juin 1993).
23 10. - L'intimée a continué à soumettre
sa preuve les 16 et 17 juin 1993 et, le 25 juin 1993, dans un jugement
écrit et bien motivé, le juge de première instance émettait
l'ordonnance de confiscation contre laquelle l'appelant a, à la fois,
inscrit directement en appel et demandé la permission d'en appeler.
Précisions
24 Il est important, en recherchant la
solution du présent litige, de ne pas perdre de vue les données
suivantes:
1.
- il n'est pas contesté par les avocats de l'appelant que ce dernier
est toujours "une personne qui s'est esquivée" au sens du paragraphe
(3) de l'article 462.38 C.cr.;
2.
- aucun des motifs d'appel de l'appelant ne soulève que ce dernier a
été empêché d'établir qu'il n'était pas "une personne qui s'est
esquivée";
3.
- lors de la demande d'intervention d'un des avocats de l'appelant,
devant le tribunal de première instance, le 16 juin 1993, il n'a pas
été question de soumettre une preuve établissant que l'appelant ne
rencontrait pas les conditions énumérées au paragraphe (3) de l'article
462.38 C.cr.
Origine de la Législation Canadienne Sur les Produits de la Criminalité
25 Les articles 462.3 à 462.5 C.cr. ne sont entrés en vigueur que le 1
er
janvier 1989. Avant cette date, le Code criminel contenait quelques
dispositions fragmentaires permettant aux tribunaux, non sans
difficulté, de confisquer certains biens reliés à la perpétration d'un
crime: article 100(3) C.cr. [devenu l'article 102 (3) C.cr.],
confiscation d'armes prohibées ou à autorisation restreinte; article
160 (4) C.cr. [devenu 164 (4) C.cr.], publication obscène; article
281.3 (4) C.cr. [devenu 320 (4) C.cr.],
propagande haineuse; article 352 (2) C.cr.
[devenu 394 (2) C.cr.], confiscation des moyens utilisés dans le cadre
d'une fraude relative aux minéraux; article 370 (2) C.cr. [devenu 412
(2) C.cr.], confiscation des instruments ayant servi à contrefaire une
marque de commerce; article 420 (2) C.cr. [devenu 462 (2) C.cr.],
confiscation de monnaie contrefaite, etc.
26 En l'absence de dispositions claires
permettant aux tribunaux de confisquer un bien, la jurisprudence
canadienne reconnaissait à tout citoyen le droit "à la jouissance de
ses biens, et le droit de ne s'en voir privé que par l'application
régulière de la loi" (article 1 a) de la
Déclaration canadienne des droits). Dans
Harrison c. Carswell, [1976] 2 R.C.S. 200, monsieur le juge Dickson écrivait (p. 219):
Anglo-Canadian
jurisprudence has traditionally recognized, as a fundamental freedom,
the right of the individual to the enjoyment of property and the right
not to be deprived thereof, or any interest therein, save by due
process of law...
27 Pourtant, même privée de dispositions
législatives essentielles en matière de confiscation, la jurisprudence
soulignait la nécessité de priver une personne des fruits provenant de
ses activités criminelles. Dans
Industrial Acceptance Corp. Ltd. c. The Queen, [1953] 2 R.C.S. 273, monsieur le juge Rand s'est exprimé comme suit (p. 277-278):
The
forfeiture of property used in violation of revenue laws has for
several centuries been one of the characteristic features of their
enforcement and the considerations which early led to its adoption as
necessary are not far to seek. Smuggling, illegal manufacture of
liquors, illegal sale of narcotics and like activities, because of
their high profits and the demand, in certain section of society, for
them, take on the character of organized action against the forces of
law; and with the techniques and devices, varying with the times, that
have been open to these enemies of social order, the necessity to
strike against not only the persons but everything that has enabled
them to carry out their purposes has been universally recognized.
In Canada this view has been followed from the earliest times. . . .
From
this uniform legislative judgment, it is at once apparent that
forfeiture has from the beginning been treated as one of the necessary
conditions for compelling substantial obedience to revenue law.... The
absolute forfeiture is an inseparable accompaniment of punitive action,
and the administration of the law would be seriously impeded were any
obstacles to prompt and conclusive
action placed in the way of its enforcement.
28 Avant le 1
er janvier
1989, le Code criminel prévoyait un pouvoir général de confiscation, à
son article 446 (9) (devenu, après modifications, l'article 490 (9)),
mais la portée trop restreinte de cet article et des autres
dispositions applicables à des situations particulières limitaient
grandement, en pratique, leur utilisation. En plus, ces dispositions ne
permettaient pas aux tribunaux de "geler" les produits de la
criminalité. L'insuffisance et l'inefficacité des dispositions du Code
criminel pour combattre la croissance d'activités criminelles
sophistiquées étaient généralement reconnues:
The
enactment of Bill C-61 commonly referred to as the Proceeds of Crime
legislation, is the combination of an initiative that began almost a
decade ago in response to a growing realization that the existing
provisions of the Criminal Code and other legislation did not provide
adequate tools to combat the more sophisticated forms of economically
motivated criminel activity conducted by criminal organizations.
A number of major deficiencies were identified:
1) The focus in existing law on single transactions committed by individual offenders,
2) The lack of legislation providing for the forfeiture of the profits of crime,
3)
The lack of statutory power to seize or "freeze" assets alleged to be
proceeds of crime, prior to conviction, in order to prevent their
dissipation transference, concealment, or removal from the
jurisdiction. (P. Donald, « A Commentary on the Provisions of C-61
Canada's New Proceeds of Crime Legislation » "(S.C. 1988, c-51)",
(1989) 47 The Advocate 423. Voir aussi: J. McIntyre and A.G. Henderson,
The Business of Crime: An Evaluation of the American Racketeer
Influenced and Corrupt Organizations Statute from a Canadian
Perspective, Province of British Columbia, Ministry of Attorney
General, 1980).
29 L'adoption d'une loi canadienne sur les
produits de la criminalité ne s'est pas faite sans difficulté: deux
précédents projets de loi introduits respectivement devant la Chambre
des communes en février 1984 (Bill C-19) et en décembre 1984 (Bill
C-18) avaient été abandonnés. Le projet de loi C-61 introduit en 1987
et adopté en 1988 constitue l'aboutissement des efforts visant à doter
le Canada d'une législation cohérente et efficace sur la
confiscation des produits de la criminalité.
L'adoption de cette législation s'inscrivait aussi dans le cadre d'une
sensibilisation nationale et internationale aux importants problèmes
engendrés par la criminalité organisée:
The
legislation was introduced in order to bring Canada into compliance
with the United Nations Convention Against Illicit Traffic in Narcotic
Drugs and Psychotropic Substances, which was adopted on December 19,
1988, in Vienna by the United Nations Conference set up to address the
problems of international drug trafficking. Among the requirements
which the Convention imposes upon its signatories are the establishment
of an offence of laundering the proceeds of illicit traffic in drugs
and measures designed to facilitate cooperation amongst its signatories
by, for example, making offences created in response to the Convention
extraditable. Canada moved to fulfil these obligations by the enactment
of the proceeds of crime legislation and its sister act, the Mutual
Legal Assistance in Criminal Matters Act (S.C. 1988, c-37). Among other
countries also moving to bring their domestic legislation into
conformity with their international obligations under the Convention
are Great Britain [Drug Trafficking Offences Act 1986 (1986, c.32);
Criminal Justice Act 1987 (1987, c.41); Criminal Justice Act 1988
(1988, c.33), Part VI], Australia [Proceeds of Crime Act 1987 (n.87 of
1987); Mutual Assistance in Criminal Matters Act 1987
(n.85 of 1987), and The United States [notamment:
Racketeering Influenced and Corrupt Organizations Statue of 1970 (18
U.S.C. c.96, ss.1961-1968) "R.I.C.O."]
While
enacted at least partially in response to this international movement
to combat trafficking in drugs, the ambit of Canada's proceeds of crime
legislation extends far beyond drug offences..."
M. R.V. Storrow and L. Batten "The New Prooceeds of Crime Legislation or "Caveat Avocatus", (1991) 49 The Advocate 53.
[FN1]
30 La loi modifiant, à la fois, le Code
criminel, la Loi des aliments et drogues et la Loi sur les stupéfiants
apporte ainsi de nouvelles dispositions beaucoup plus complètes en
matière de confiscation, sans toutefois abroger ou écarter les
dispositions déjà en vigueur dans le Code criminel ou dans les lois
particulières. L'article 462.49 C.cr. précise en effet:
(1)
(Maintien des dispositions spécifiques) La présente partie ne porte pas
atteinte aux autres dispositions de la présente loi ou de toute autre
loi fédérale qui visent la confiscation de biens.
Les Cas Donnant Ouverture à Une Ordonnance de Confiscation
31 La partie du Code criminel traitant des
produits de la criminalité (Partie XII.2) prévoit deux situations
donnant ouverture à une ordonnance de confiscation: celle de l'article
462.38, précité, et celle de l'article 462.37(1) et (2). Ces deux
derniers paragraphes se lisent ainsi:
(1)
[Confiscation lors de la déclaration de culpabilité] Sur demande du
procureur général, le tribunal qui détermine la peine à infliger à un
accusé coupable d'une infraction de criminalité organisée - ou absous
en vertu de l'article 736 à l'égard de cette infraction - est tenu,
sous réserve des autres dispositions du présent article et des articles
462.39 à 462.41, d'ordonner la confiscation au profit de Sa Majesté des
biens dont il est convaincu, selon la prépondérance des probabilités,
qu'ils constituent des produits de la criminalité obtenus en rapport
avec cette infraction de criminalité organisée; l'ordonnance prévoit
qu'il est disposé de ces biens selon les instructions du procureur
général ou autrement en conformité avec la loi.
(2)
[Produits de la criminalité obtenus par la perpétration d'une autre
infraction] Le tribunal peut rendre une ordonnance de confiscation à
l'égard des biens d'un contrevenant dont il n'est pas prouvé qu'ils ont
été obtenus
par la perpétration de l'infraction de criminalité
organisée dont il a été déclaré coupable - ou à l'égard de laquelle il
a été absous sous le régime de l'article 736 - à la condition d'être
convaincu, hors de tout doute raisonnable, qu'il s'agit de produits de
la criminalité.
32 Dans le présent cas, l'ordonnance de
confiscation ayant été prononcée en vertu de l'article 462.38 C.cr.,
j'entends limiter à la situation prévue à cet article l'étude des
recours prévus à l'encontre d'une telle ordonnance.
Les Recours à l'Encontre d'Une Ordonnance de Confiscation Prononcée en Vertu de l'Article 462.38 C.Cr.
33 Le législateur canadien a prévu
plusieurs dispositions qui ont trait tant à l'information qu'à la
protection des personnes ayant un intérêt sur un bien visé par une
ordonnance de confiscation.
34 L'article 462.41(1) C.cr. prévoit,
d'abord, la nécessité d'un avis à toutes les personnes qui, de l'avis
du tribunal, semblent avoir un droit sur le bien; ces personnes peuvent
également être entendues par le tribunal. À la différence des articles
462.32(5) et 462.33(5) C.cr., qui traitent
respectivement de la nécessité d'un avis
préalable à l'émission d'un mandat de perquisition et de saisie et
d'une ordonnance de blocage, l'article 462.41(1) C.cr. ne laisse aucune
discrétion au tribunal. Un avis contenant les mentions requises au
paragraphe (2) de cet article doit être envoyé à toutes les personnes
qui semblent avoir un intérêt sur le bien. Malgré la généralité de
cette dernière locution, il est évident qu'elle n'inclut pas la
personne accusée auprès de qui la saisie est opérée, cette personne
étant dûment avisée par l'exécution même de la saisie.
35 Cet avis,
donné avant de rendre,
en vertu de l'article 462.38 C.cr. (ou de l'article 462.37), une
ordonnance de confiscation, permettra, le cas échéant, à une personne
de demander au tribunal la restitution de biens qui autrement auraient
été confisqués en vertu de l'une ou l'autre de ces dispositions.
L'ordonnance de restitution ne sera émise que si le juge est convaincu
que la personne est propriétaire légitime du bien ou a un droit à leur
possession légitime et semble innocente de toute complicité ou de toute
collusion à l'égard de la perpétration de l'infraction. Ce recours
n'est toutefois pas ouvert à la personne accusée de l'infraction de
criminalité organisée ou de l'infraction désignée en matière de drogue
ou à la personne "qui a obtenu un titre ou un droit de possession sur
ces biens d'une personne accusée d'une telle infraction dans des
circonstances telles qu'elles
permettent raisonnablement d'induire que
l'opération a été effectuée dans l'intention d'éviter la confiscation
des biens" (art. 462.41(3) C.cr.).
36
Après confiscation,
l'article 462.42 C.cr. vient, pour sa part, créer certains recours pour
les personnes qui prétendent avoir un droit sur le bien
confisqué
(en vertu des articles 462.37(1) ou 462.38(2) C.cr.). Il y est prévu
que ces personnes peuvent, dans les trente jours de la confiscation,
s'adresser à un juge pour qu'il émette une ordonnance en vertu du
paragraphe (4):
(4)
[Ordonnance: protection d'un droit] Le juge qui est convaincu lors de
l'audition d'une demande présentée en vertu du paragraphe (1) que le
demandeur n'est pas la personne visée à ce paragraphe et semble
innocent de toute complicité et de toute collusion à l'égard de
l'infraction qui a donné lieu à la confiscation peut rendre une
ordonnance portant que le droit du demandeur n'est pas modifié par la
confiscation et déclarant la nature et l'étendue de ce droit.
37 Cette mesure de protection à l'encontre
d'une ordonnance de confiscation n'est cependant pas ouverte à l'accusé
ou toute personne qui a obtenu un titre ou un droit sur ce bien de
l'accusé dans des circonstances
telles qu'elles permettent raisonnablement
d'induire que l'opération a été effectuée dans l'intention d'éviter la
confiscation des biens (article 462.42(1) C.cr.). La première étape que
doit franchir le tribunal pour émettre une ordonnance de protection
d'un droit est justement de s'assurer que le demandeur n'est ni
l'accusé, ni une personne ayant acquis le bien ou un droit sur celui-ci
de l'accusé dans l'intention d'éviter la confiscation.
38 Je souligne, en passant, que le texte
anglais du paragraphe (4) de l'article 462.42 C.cr., à cause de la
forme utilisée dans la rédaction du paragraphe (1) de ce même article,
toujours dans le texte anglais, différente de celle du texte français,
est d'une expression beaucoup plus heureuse que la version française de
ce paragraphe (4).
39 D'un autre côté, le texte français de
l'article 462.44 C.cr. l'emporte sur la version anglaise, qui contient
une anomalie:
...may appeal from the order as if the order were an appeal against conviction... (J'ai souligné)
40 Enfin, l'article 462.42(5) C.cr.
prévoit la possibilité pour le demandeur ou le procureur général d'en
appeler d'une ordonnance de protection
émise en vertu du paragraphe (4):
Le
demandeur ou le procureur général peut interjeter appel à la cour
d'appel d'une ordonnance rendue en vertu du paragraphe (4) et les
dispositions de la partie XXI qui traitent des règles de procédure en
matière d'appel s'appliquent, compte tenu des adaptations de
circonstances, aux appel interjetés en vertu du présent paragraphe.
41 Le droit d'appel est donc réservé au
"demandeur" et au procureur général. Il découle nécessairement des
paragraphes (1) et (4) de l'article 462.42 C.cr. que l'accusé ou la
personne ayant acquis le bien de l'accusé pour le soustraire à la
procédure de confiscation ne peuvent pas bénéficier de ce droit d'appel.
42 Il est également possible, en vertu de
l'article 462.43 C.cr., d'obtenir qu'un bien saisi ou bloqué soit
libéré de l'ordonnance de blocage, de l'engagement ou de la tutelle
administrative:
[Disposition
des biens saisis ou bloqués] Le juge qui, à la demande du procureur
général ou du titulaire d'un droit sur le bien en question ou d'office
- à la condition qu'un avis soit donné au procureur général et aux
personnes qui ont un droit sur le bien en question
-, est convaincu qu'on n'a plus besoin d'un bien, saisi en vertu d'un
mandat délivré sous le régime de l'article 462.32 ou bloqué en vertu
d'une ordonnance rendue sous le régime de l'article 462.33 ou visé par
un engagement contracté en vertu de l'alinéa 462.34(4) a), soit pour
l'application des articles 462.37 ou 462.38 ou de toute autre
disposition de la présente loi ou de toute autre loi fédérale qui
traite de confiscation, soit pour une enquête, soit à titre d'élément
de preuve dans d'autres procédures est tenu:
a) dans le cas d'un bien bloqué, d'annuler l'ordonnance de blocage;
b) dans le cas d'un engagement, d'annuler celui-ci;
c) dans le cas d'un bien saisi ou remis à un administrateur nommé en vertu du sous-alinéa 462.33(3)b)(i):
(i)
soit d'en ordonner la restitution au saisi ou à la personne qui l'a
remis à l'administrateur, si le saisi ou cette personne en avait la
possession légitime,
(ii) soit, si le saisi ou la personne qui l'a remis à l'adminstrateur n'en
avait pas la possession légitime, d'en ordonner la
remise à son véritable propriétaire ou à la personne qui a droit à sa
possession légitime à la condition que le véritable propriétaire ou
cette dernière personne soit connu;
toutefois,
si le saisi ou la personne qui l'a remis à l'adminstrateur n'en avait
pas la possession légitime et si le véritable propriétaire ou la
personne qui a droit à sa possession légitime est inconnu, le juge peut
en ordonner la confiscation au profit de Sa Majesté, l'ordonnance
prévoyant qu'il est disposé du bien selon les instructions du procureur
général ou autrement en conformité avec la loi.
43 La personne qui s'estime lésée par une
ordonnance rendue en vertu de cette dernière disposition ou en vertu de
l'article 462.38 (2) C.cr. peut en appeler conformément à l'article
462.44 C.cr.:
[Appels]
Les personnes qui s'estiment lésées par une ordonnance rendue en vertu
du paragraphe 462.38(2) ou de l'article 462.43 peuvent en appeler comme
s'il s'agissait d'un appel à l'encontre d'une condamnation ou d'un
acquittement, selon le cas, en vertu de la partie XXI; les dispositions
de celle-ci s'appliquent à cet appel compte tenu des adaptations de
circonstances.
44 L'expression "Les personnes qui
s'estiment lésées" ("any person who considers himself aggrieved") est
de toute évidence plus englobante que les autres expressions utilisées
par le législateur lorsqu'il crée un recours à l'encontre d'une
ordonnance. L'expression n'est toutefois pas nouvelle. Elle se
retrouvait déjà, notamment, à l'article 490(17) C.cr.: (pouvoir général
de confiscation)
Une
personne qui s'estime lésée par une ordonnance rendue aux termes du
paragraphe (8), (9) ou (11) peut en appeler à la cour d'appel, au sens
de l'article 812 et, pour les fins de l'appel, les dispositions des
articles 814 à 828 s'appliquent compte tenu des adaptations de
circonstances.
45 La jurisprudence a très largement
interprété cette expression. Même le ministère public, à titre de
représentant de l'intérêt public, peut être considéré comme une
personne lésée et peut jouir d'un droit d'appel en vertu de cette
disposition:
British Columbia (Attorney General) v. Forseth, (1993)
83 C.C.C. (3d) 178 (B.C.S.C.), pp.185-187, le juge Callaghan (en appel),
R. v. Lecomte, (1990) B.C.J. no 1255 (B.C.Co.Ct) (QL Systems), voir aussi
Gambia v. N'jie, (1961) 2 ALL.E.R. 504, Lord Denning et
Re
Sidebotham, (1880) 14 Ch.D. 465, James L.J.
46 Cette approche libérale amène donc la
question de savoir si l'accusé, à titre de personne lésée, à qui les
recours mentionnés précédement sont expressément prohibés, peut en
appeler, en vertu de cet article 462.44 C.cr., d'une ordonnance de
confiscation prononcée en vertu de l'article 462.38 C.cr.
47 Je rappelle, ici, qu'une des conditions
essentielles d'application de ce dernier article exige que la personne
contre les biens de qui l'ordonnance de confiscation est rendue soit
une personne qui "s'est esquivée".
48 Cette expression est ainsi définie au paragraphe (3) de l'article 462.38 C.cr.:
[Définition]
Pour l'application du présent article, une personne est réputée s'être
esquivée à l'égard d'une infraction de criminalité organisée si les
conditions suivantes sont réunies:
a) une dénonciation a été déposée à l'effet qu'elle aurait perpétré cette infraction;
b) un mandat d'arrestation fondé sur la dénonciation a été délivré à l'égard de cette personne;
c)
malgré des efforts raisonnables en ce sens il a été impossible
d'arrêter cette personne durant la période de six mois qui suit la
délivrance du mandat.
La personne est alors réputée s'être esquivée le dernier jour de cette période de six mois.
49 Il ne fait aucun doute que l'accusé qui
se présenterait après l'ordonnance de confiscation pour contester que,
dans son cas, les conditions d'application mentionnées à c) ci-dessus
n'ont pas été remplies, bénéficierait du droit d'appel prévu à
l'article 462.44 C.cr.
50 Ce n'est toutefois pas la situation que
présente le présent litige, l'appelant étant toujours une "personne qui
s'est esquivée".
51 D'où la question: cette personne
bénéficie-t-elle du droit d'appel stipulé à l'article 462.44 C.cr.?
Le Cas de la Personne Qui S'est Esquivée
52 Les tribunaux canadiens sont fort
réticents à permettre à une personne fugitive d'utiliser les ressources
offertes par la loi, tout en s'esquivant. Ce principe a été appliqué
dans l'affaire
R. c. Dzambas, (1974)
14 C.C.C. (2d) 364
(Ont.C.A.). L'accusé voulait en appeler de sa condamnation pour
meurtre. Après avoir été condamné, il avait réussi à s'échapper et
s'était enfui en Yougoslavie, son pays natal. Là-bas, il devait être
jugé pour le même crime. La Cour a rejeté l'appel parce que, d'une
part, celui-ci était devenu purement théorique, compte tenu du procès
qui allait s'ensuivre en Yougoslavie et, d'autre part, pour le motif
suivant, exprimé par monsieur le juge en chef Gale (p. 365):
Save
in exceptional circumstances, if a man is released on bail and does not
respond to the bail order by surrending himself into custody prior to
the hearing of the appeal, this Court will almost invariably refuse to
hear the appeal and will dismiss it. A fortiori that rule would
certainly apply if a man escapes custody and is at large when his
appeal comes on for hearing. We can think of several instances where
the Court, in those circumstances, has refused to hear the appeal and
has dismissed it. After all, there is a basic principle that when a
person repudiate the jurisdiction of the Court he ought not to be
permitted to invoke its aid. That is exactly the situation here.
53 Dans
R. c. McCauley, (1972)
4 W.W.R. 637
(B.C.C.A.), l'accusé fugitif voulait obtenir la permission d'en appeler
de sa condamnation. Le procureur de la Couronne avait présenté que
objection préliminaire alléguant que l'appel ne devait pas être entendu
puisque l'accusé était toujours fugitif; monsieur le juge McFarlane a
écrit ce qui suit (p. 637 et 638):
In
my opinion, in these circumstances the Court should not exercise its
discretion to grant leave to appeal. It has been suggested by the Crown
that an order might now be made that, unless the applicant should
surrender himself within a time to be fixed, his appeal should be
dismissed. In my view, however, the application should be dealt with
and the preliminary objection ruled upon at this stage.
In
my opinion, effect should be given to the preliminary objection, and I
would dismiss the application for leave to appeal. In doing so I wish
to add that I think Mr. Pantages [for appelant] has acted entirely
properly and in accord with the traditions of the Bar in the manner in
which he has presented the situation to this Court.
The motion is dismissed on the preliminary objection taken.
54 Dans une affaire plus récente,
Purves et al. v. Attorney General of Canada,
(1990) 54 C.C.C. (3d) 355 (B.C.C.A.), requête pour autorisation de
pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée le 22 novembre 1990, [1990]
2 R.C.S. x (21952), monsieur le juge Legg de la Cour d'appel de la
Colombie-Britannique rappelait le pouvoir discrétionnaire de la Cour
d'entendre ou non l'appel d'une personne fugitive (p. 358):
I
would not give effect to a further submission made by counsel for the
Crown that because Wills was a fugitive from justice, the appeal should
not be heard. Counsel relied upon the decisions in R. v. Dzambas, (1973) (sic), 14 C.C.C. (2d) 364, 24 C.R.N.S. 118 Cont. C.A.) and R. v. McCauley,
(1972) 4 W.W.R. 637 (B.C.C.A.). Both those authorities indicate that
the court has a discretion to consider whether it will hear and decide
an appeal where the appellant is a fugitive. In my opinion, the court
should exercise its discretion in favour of hearing and deciding this
appeal. The appeal raises matters of substance which are of importance.
Under those circumstances I would not acceed to Crown counsel's
submission. But I add that I would not have decided this appeal
favourably to Wills while he remained a fugitive. (J'ai souligné)
55 Les circonstances de cette affaire
étaient particulières et complexes. Wills, un citoyen américain,
s'était enfui alors qu'il était lié par un engagement intervenu à la
suite de plusieurs accusations. Il ne s'est pas présenté aux autorités
contrairement aux termes de cet engagement. Il avait même omis de se
présenter à la reprise de son enquête préliminaire. Le ministère public
avait alors décidé de procéder par voie directe d'accusation avec de
nouvelles charges. Un nouveau mandat d'arrêt fut émis contre Wills.
Dans une lettre adressée au représentant de ce dernier (M. Purves), le
ministère public avait précisé qu'un arrêt de procédure allait être
enregistré relativement aux accusations antérieures. Parce que Wills
n'avait pas respecté les conditions de son engagement, une demande fut
introduite en vertu de l'article 770(1) C.cr. (anciennement 704):
Lorsque,
dans des procédures visées par la présente loi, une personne liée par
engagement ne se conforme pas à une condition de l'engagement, un
tribunal, un juge de paix ou un juge de la Cour provinciale connaissant
les faits inscrit ou fait inscrire au verso de l'engagement un
certificat rédigé selon la formule 33 indiquant:
a) la nature du manquement
b) la raison du manquement, si elle est connue;
c) si les fins de la justice ont été frustrées ou retardées en raison du manquement;
d) les noms et adresses du cautionné et des cautions.
56 La Cour d'appel, compte tenu de ces
circonstances, devait discuter de la compétènce du juge de première
instance d'entendre une demande en vertu de l'article 770(1) C.cr.,
alors qu'un arrêt de procédures avait été donné, annulant ainsi tout
engagement y relatif (article 579(1) C.cr.).
57 C'est strictement dans cette optique
que la Cour d'appel, tout en reconnaissant son pouvoir discrétionnaire
de refuser d'entendre un appel impliquant une personne fugitive, a
décidé d'intervenir.
58 Il peut donc être affirmé, après cette
revue de la jurisprudence canadienne, que les tribunaux du pays
jouissent d'une discrétion d'entendre ou de refuser d'entendre l'appel
d'une personne fugitive.
Conclusion
59 Les nouvelles dispositions canadiennes
sur la confiscation des produits de la criminalité révèlent le souci du
législateur de doter les tribunaux de pouvoirs efficaces visant à
priver une personne des fruits de son crime dans le but principal
d'enrayer les infraction de criminalité organisée et celles désignées
en matière de drogue.
60 L'article 462.38 C.cr. figure parmi
l'une des dispositions adoptées pour assurer l'efficience des
procédures de confiscation. Même si une personne est décédée ou s'est
esquivée, des procédures de confiscation peuvent être intentées sur ses
biens, selon les modalités prévues à cette disposition.
61 L'article 462.44 C.cr. vient
circonscrire le cadre de l'appel présenté à l'encontre d'une ordonnance
de confiscation prononcée en vertu de l'article 462.38 C.cr. L'accusé,
comme toute personne qui s'estime lésée par cette ordonnance, pourra en
appeler pour, à titre d'exemple, soulever qu'il n'est pas une personne
qui s'est esquivée. Si l'accusé est toujours un fugitif, son droit
d'appel doit s'apprécier en tenant compte de son état et des règles
dégagées par la jurisprudence sur les "fugitives from justice". Selon
ces
règles, il répugne de laisser une personne qui
s'est volontairement soustraite à la justice utiliser à son profit les
ressources de celle-ci. Si un accusé veut bénéficier du droit d'appel
énoncé dans la loi, il doit accepter de se soumettre à l'autorité et au
contrôle de la justice de façon à pouvoir répondre du jugement qui
pourra être rendu contre lui. Au surplus, il apparaît contraire à
l'intégrité de la justice que soient traités sur un même pied
d'égalité, sans distinction, le fugitif et l'accusé qui accepte de se
présenter devant le tribunal. Tant que l'accusé s'esquive, il se prive
lui-même des recours auxquels il aurait normalement eu droit.
62 L'appelant ne peut se plaindre d'une
privation quelconque de faire valoir une défense en première instance.
Cette prétention ne serait sérieuse que s'il se découvrait.
63 Il ne faut pas perdre de vue qu'en
vertu de l'article 462.38 C.cr. l'ordonnance de confiscation n'est
prononcée par défaut que si la preuve est faite que l'accusé s'esquive;
si celui-ci est présent, l'ordonnance ne peut être prononcée qu'à
l'occasion et comme partie de la sentence (art. 462.37 C.cr.).
64 Tel que souligné au début de cette opinion, l'appelant n'allègue
nulle part dans ses motifs d'appel qu'il n'est pas
"une personne qui s'est esquivée"; il ne peut donc plaider que
l'intimée ne pouvait procéder par défaut pour établir les deux autres
conditions exigées par l'article 462.38 C.cr. pour l'émission d'une
ordonnance de confiscation ou venir se plaindre de la qualité de la
preuve offerte.
65 Je suis d'opinion d'accueillir la
requête de l'intimée et de rejeter, à la fois, l'inscription en appel
de l'ordonnance de confiscation et la requête de l'appelant en
autorisation d'appel.
Opinion de la Juge Otis:
66 Je partage l'opinion de mon collègue, monsieur le juge Jacques Delisle.
67 J'aimerais compléter cette partie de
son opinion traitant du droit d'appel d'une personne qui se soustrait à
la justice par une revue de la jurisprudence américaine sur cetté
question puisque, depuis déjà plusieurs années, les tribunaux
américains ont développé à l'égard des recours intentés par des
fugitifs certaines lignes directrices qui s'apparentent grandement à
l'attitude adoptée par les cours canadiennes.
La Jurisprudence Américaine Sur les "Fugitives From Justice"
68 Dans
Molinaro v. New Jersey, 396 U.S. 365, 90 S.Ct. 498,
24 L. Ed. 2d 586 (1970), la Cour suprême des États-Unis entendait
l'appel d'un individu à l'encontre d'un verdict de culpabilité pour
avoir procuré un avortement et conspiré pour commettre un avortement.
Après sa condamnation en première instance, l'appelant avait été libéré
sous caution. Il avait négligé de se rapporter aux autorités du New
Jersey, de sorte que sa libération conditionnelle avait été révoquée.
Dans ces circonstances, la Cour a refusé de se pencher sur cet appel.
La Cour rappelait l'existence de deux arrêts,
Smith v. United States, 94 U.S. 97, 24 L.Ed. 32 (1876) et
Bonahan v. Nebraska, 125 U.S. 692, 8 S.Ct. 1390, 31 L.Ed. 854 (1887) qui impliquaient une situation semblable (p. 498):
The Court has faced such a situation before, in Smith v. United States, 94 U.S. 97,24 L.Ed. 32 (1876), and Bonahan v. Nebraska,
125 U.S. 692, 8 S.Ct 1390, 31 L.Ed 854 (1887). In each of those cases,
which were before the Court on writs of error, the Court ordered the
case removed from the docket upon receiving information that the
plaintiff in error had escaped from custody. In Smith, the case was
dismissed at the beginning of the following Term. See 18 Geo.Wash.
L.Rev. 427, 430 (1950). In Bonahan, the case was stricken from the
docket on
the last day of the Term in which it arose. See also
National Union of Marine Cooks and Stewards v. Arnold, 348 U.S. 37,43, 75 S.Ct.92, 95, 99 L.Ed. 46 (1954);
Eisler v. United States, 338 U.S. 189 and 883, 69 S.Ct. 1453, 93 L.Ed. 1897 (1949);
Allen v. Georgia, 166 U.S. 138, 17 S.Ct. 525, 41 L.Ed. 949 (1897).
69 La Cour ajoutait (aux pages 498 et 499):
No
persuasive reason exists why this Court should proceed to adjudicate
the merits of a criminal case after the convicted defendant who has
sought review escapes from the restraints placed upon him pursuant to
the conviction. While such an escape does not strip the case of its
character as an adjudicable case or controversy, we believe it
disentitles the defendant to call upon the resources of the Court for
determination of his claims. In the absence of specific provision to
the contrary in the statute under which Molinaro appeals, 28 U.S.C. S.
1257(2), we conclude, in light of the Smith and Bonahan decisions, that
the Court has the authority to dismiss the appeal on this ground. The
dismissal need not await the end of the Term or the expiration of a
fixed period of time, but should take place at this time.
70 Dans
Molinaro, le
plus haut tribunal des États-Unis a donc appliqué le principe
fondamental voulant que, dans toute poursuite criminelle, la personne
accusée doit être sous l'autorité et le contrôle
de la Cour de façon à ce qu'elle puisse répondre du jugement qui sera
rendu contre elle
[FN2].
71 La jurisprudence postérieure a suivi de façon constante les principes émis par la Cour suprême:
Estelle v. Dorrough, 420 U.S. 534, 95 S. Ct. 1173, 43 L. Ed. 2d 377 (1975);
Conforte v. C.I.R., 459 U.S. 1309, 103 S.ct. 663, 74 L. Ed. 2d 588 (1983).
Ortega Rodriguez v. U.S., 113 S. Ct. 1199, 122 L. Ed. 2d 581, 61 USLW 4225 (1993);
Van Blaricom v. Forscht, 490 F.2d 461 (5th Cir.1974);
Fratus v. United States, F.2d 797 (5th Cir.1975);
United States v. Shelton, 482 F.2d 848 (1973) certiorari refusé 414 U.S. 1075, 94 S.Ct. 591, 38 L.Ed. 2d 482 (1973);
United States v. Holmes, 680 F.2d 1372 (11th Cir. 1982) certiorari refusé 460 U.S. 1015, 103 S. Ct. 1259, 75 L. Ed. 2d 486 (1983);
United States v. London, 723 F.2d 1538 (11th Cir.), certiorari refusé 467 U.S. 1228 (1984).
72 L'application des principes émis par la
Cour suprême a même débordé le cadre strictement criminel (
Conforte v. C.I.R., précité). Dans l'arrêt
Broadway v. City of Montgomery, Alabama,
530 F.2d 657 (5th Cir. 1976), le juge Ainsworth de la United States
Court of Appeals Fifth Circuit rappelait, dans le cadre d'une action en
dommages contre la Ville de Montgomery et deux de ses agents de police
(p. 659):
John
L. Broadway, being a fugitive from justice, is not entitled to call on
the resources of an appellate court for a determination of his case.
73 Dans l'arrêt
Doyle c. United States Department of Justice,
668 F.2d 1365 (D.C.Cir.1981) certiorari refusé 455 U.S. 1002, 102 S.Ct.
1636, 71, L.Ed. 2d 870 (1982), l'appelant désirait obtenir certains
documents le concernant en se fondant sur le
Freedom of Information Act. La Cour d'appel a refusé sa demande pour les motifs suivants (aux pages 1365 et 1366):
Appelant
Doyle is a fugitive from federal court processes. He was sentenced by
the United States District Court for the District of Connecticut, and
failed to appear for service of his sentence. On July 15, 1965, a bench
warrant was issued for his arrest. Doyle is now a naturalized citizen
and resident of the Republic of Panama. The district court held that
while Doyle remains a fugitive from federal justice he may not call
upon the resources of the court to adjudicate his claim... We agree and
therefore affirm the district court's dismissal of Doyle's
complaint[...]
Should
Doyle present himself for service of the sentence lawfully imposed upon
him, he would have full access to an appropriate federal forum to
enforce any legitimate federal claims he may have. So long, as he
evades federal authority,
however, it is the general rule that he may not demand that a federal court service his complaint. See
Molinaro v. New Jersey, 396 U.S. 365,366, 90 S.Ct. 498, 24 L.Ed. 2d 586 (1970).
74 La jurisprudence américaine adopte la
même position à l'égard d'un fugitif qui veut contester ou en appeler
d'une ordonnance de confiscation civile (in rem) prononcée en vertu
d'une loi fédérale:
A
Canadian, a fugitive from justice in a United States prosecution, was
not entitled to call upon the resources of federal Court for
determination of his claims in a related civil forfeiture proceeding. (United States v. $45,940 in United States Currency, 739 F.2d 792 (2nd Cir. 1984)).
75 Dans l'arrêt
United States v. Property located at 760 S.W. 1 st Street, Miami, Florida,
702 F.Supp. 575 (W.D.N.C. 1989), un fugitif accusé de conspiration dans
le but de faire le trafic de stupéfiants voulait contester les
procédures intentées par le gouvernement pour confisquer certains biens
[FN3]. Appliquant l'affaire
Molinaro, le juge en chef Potter, W.D. N.C. écrit (p. 577):
Fernando Lopez fits the definition of a fugitive, and so long as he fails to
submit to the jurisdiction of this Court in his
criminal case, he may not demand to use the resources of this Court in
a civil action to claim property which the Government alleges was
obtained by « tainted money ».
76 Saisie de semblables procédures en
confiscation intentées par un fugitif, la United States Court of
Appeals, Eleventh Circuit, arrivait à une même conclusion dans l'arrêt
United States v. One Parcel of real estate at 7707 S.W. 74th Lane, Miami, Dade County, Florida,
868 F.2d 1214 (11th Cir. 1989). Le juge Kravitch fait une intéressante
revue de l'état de la jurisprudence aux pages 1216-1217:
In Molinaro v. New Jersey,
396 U.S. 365, 90 S.Ct. 498, 24 L.Ed.2d 586 (1970), the Supreme Court
ruled that an appellate court could dismiss the appeal from a criminal
conviction if the defendant-appellant has become a fugitive from
justice. In so ruling the Court observed that although the claim
presented may be justiciable, the flight from justice "disentitles the
defendant to call upon the resources of the Court for determination of
his claim."
This court has long recognized that the
fugitive from
justice doctrine is not limited to criminal appeals. We have applied the
fugitive from
justice doctrine to a civil appeal when it relates to the underlying criminal conviction from
which the appelant has fled.
Broadway v. City of Montgomery,
530 F.2d 657 (5th Cir.1976) (fugitive from justice "not entitled to
call on the resources of an appellate court"). Similarly, we have
applied the
fugitive from
justice doctrine in affirming a district court's dismissal of a petition to review a tax assessment.
Schuster v. United States,
765 F.2d 1047 (11th Cir.1985) (fugitive from justice not entitled to
maintain suit for review of tax assessment that is related to the
criminal prosecution from which she is a fugitive) Cf.
Doyle v. Department of Justice,
668 F.2d 1365 (D.C. Cir.1981) (Freedom of Information Act case), cert.
denied, 455 U.S. 1002, 102 S.Ct. 1636, 71 L.Ed, 2d 870 (1982);
Conforte v. Commissioner, 692 F.2d 587 (9th Cir.1982) (tax deficiency assessment);
United States ex rel. Bailey v. United States Commanding Officer, 496 F.2d 324 (1st Cir.1974) military disciplinary regulation).
[1] We believe that Broadway and Schuster state the proper rule for civil in rem forfeiture actions as well. Accord United States v. $129,374, 769 F.2d 583 (9th Cir.1985), cert. denied sub nom. Geiger v. United States, 474 U.S., 1086, 106 S.Ct.863, 88 L.Ed.2d 901 (1986); United States v. $45,940,
739 F.2d 792 (2d Cir.1984). The in rem forfeiture action against the
defendant real property is unquestionably related to the appelant's
indictment for drug trafficking. By fleeing from justice appellant has
disentitled himself from invoking the
judicial process in the civil forfeiture action. Thus, the district court was correct in dismissing appellant's claim.
Appellant
contends that our rule is unjust and unfair. First, appellant argues
that the government has not shown the factual predicate for forfeiture,
i.e., the use of the property for the distribution of a controlled
substance. Appellant argues that at the least the court must take
testimony and make a finding of probable cause that the allegations in
the forfeiture complaint were true. Appellant, however, does not fully
grasp the meaning of the
fugitive from
justice doctrine.
As the Second Circuit has observed, the fugitive from justice has
"waived his right to due process in the civil forfeiture proceeding."
United States v. $45,940, 739 F.2d 792, 798 (2d Cir.1984) (applying
fugitive from
justice doctrine
and affirming judgment on pleadings in civil forfeiture action). By his
own actions as a fugitive the appellant has disentitled himself from
raising objections such as this to the forfeiture. The only claimant
properly before the district, the bank that held the mortgage on the
property, stipulated that the government had probable cause. Thus, we
hold that the district court did not err when it entered judgment of
forfeiture in what was, by operation of the
fugitive from
justice doctrine, essentially an uncontested action. Cf.
United States v. $3,817,49, 826 F.2d 785 (8th Cir.1987) (default judgement in forfeitue action);
United States v. Beechcraft Queen Airplane, 789
F.2d 627 (8th Cir.1986) (same).
[2,3]
Appellant also argues that the rule we apply in this case is unfair
because, although appellant is owner of record, there "may be" others
with an interest in the real property, such as appellant's wife or
other members of the familly. At oral argument, however, appellant's
counsel could offer no specific interest held by another person. We
note that nothing in our decision here would prevent the raising of a
claim in a forfeiture proceeding by anyone other than a fugitive from
justice. Moreover, appellant himself can remedy any hardship by simply
submitting himself to the authority of the courts.
77 Dans l'arrêt
United States v. Real property located at Incline Village,
755 F.supp. 308 (D.Nev.1990), des procédures avaient été intentées pour
confisquer des biens présumément acquis des produits de la vente de
stupéfiants. Parce que le défendeur s'était enfui du pays peu après sa
mise en accusation formelle (accusations reliées au trafic de
stupéfiants), la Cour a refusé de recevoir sa défense relativement à
ces procédures de confiscation. Le juge en chef Reed de la United
States District Court, D. Nevada a appliqué la "Disentitlement
doctrine" développée notamment par la Cour suprême dans
Molinaro:
Defendant
who had left country shortly before narcotics charges were filed
against him was barred under federal disentitlement doctrine, from
entering defense in related civil proceeding brought by Government for
forfeiture of real property allegedly purchased with illegal drug
money, notwithstanding that no judgment of conviction had yet been
entered against him. (résumé)
78 La jurisprudence américaine reconnaît donc, généralement
[FN4],
que la fuite volontaire d'une personne, à la suite de sa mise en
accusation ou de sa condamnation, lui fait perdre les recours qu'elle
aurait normalement pu présenter à l'encontre des procédures intentées
contre elle. Un individu qui s'enfuit, après que des accusations aient
été portées contre lui, ne pourra s'opposer aux procédures de
confiscation intentées contre ses biens, sans accepter de se soumettre
à l'autorité et au contrôle de la justice.
FN1. Voir aussi C. Evans,
"Bill C-61: Forfeiting the Proceeds of Crime", (1987) 1 Review of
International Business Law 425; F. Keyser-Ringnalda, "European
Integraion with Regard to the Confiscation of Proceeds of Crime",
(1992) 17 European Law Review 499; M. Echeverri, "Legal responses to
the drug Trade", (1991) Can. Council Int'l L. 158; D. Sherratt, "Legal
responses to the drug Trade" (1991) Can. Council Int'l L. 167; S.A.
Williams, "International Criminal Cooperation: Fighting the Drug War",
(1991) Can. Council Int'l L. 172;
M.A. Defeo, "Depriving International Narcotics
Traffickers and Other Organized Criminals of Illegal Proceeds and
Combatting Money Laundering", (1990) 18 Denver J. of Int'l Law and
Policy 405; D.P. Steward, "Internationalizing the War on Drugs: The UN
Convention Against Illicit Traffic in Narcotic Drugs and Psychotropic
Substances", (1990) 18 Denver J. of Int'l Law and Policy 387.
FN2. Voir K.B.F. "Procedure - Disposition of Writ of Certiorari when Petitioner Flees Jurisdiction", (1950)
George Washington Law Rev. 427, p.429, examiné dans
Molinaro.
FN3. En l'espèce, les biens auraient été confisqués en vertu de
Comprehensive Drug Abuse Prevention and Control Act of 1970, §511, 21 U.S.C.A. §881.
FN4. A contrario: voir notamment
U.S. v. $83,320. in United States Currency, 682 F. 2d 573 (6th Cir. 1982).
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